Émilie Proulx : Le masque tombe
Émilie Proulx apprivoise peu à peu la vie publique, à mesure que croît l’intérêt pour ses douces et enveloppantes chansons. Quand l’introspection se fait rassembleuse.
Pour tout dire, la grande majorité des pièces présentes sur son premier EP, Dans une ville, endormie (La Confiserie, janvier 2007), Émilie Proulx n’avait pas en tête de les laisser s’échapper hors de son repaire-studio maison. Il s’agit en fait des premières compositions de l’auteure-compositrice-interprète, ou presque. "J’en avais déjà écrites quelques-unes auparavant, confie-t-elle. Mais sur ce disque, c’est vraiment la période "j’apprends à écrire des chansons sauf que jamais personne va entendre ça", poursuit la timide jeune femme. Ce sont vraiment les cinq premières chansons qui sortent de chez moi…"
Originaire de Saint-Célestin (rive-sud de Trois-Rivières), la musicienne également passionnée d’horticulture a gratté la basse au sein de quelques groupes rock (The Hot Seat, Nicolas Grou) avant de se convertir à un registre plus posé, aux teintes folk "mélanco-atmosphériques". "C’est sûr que je suis une personne assez smooth à la base, explique-t-elle. Alors souvent, quand j’écoute de la musique, j’aime entendre quelque chose qui "matche" avec comment je me sens. Et c’est plus ce côté-là de moi qui a tendance à s’exprimer dans mes chansons. J’aime créer un mood et le nourrir d’images avec le texte", poursuit celle qui joue de tous les instruments sur son disque (à l’exception de la batterie, gracieuseté d’Antoine Marquis), en plus d’en avoir assuré la réalisation avec l’aide de Nicolas Grou.
Sans se complaire dans la mélancolie, Proulx explore néanmoins les versants plus sombres des spectres mélodique et rythmique, ne retenant point non plus sa plume lorsqu’elle se sent interpelée par les méandres de l’âme. "Je trouve que faire quelque chose de concret, que ça soit une chanson ou un texte, avec des émotions parfois plus négatives, ça déplace justement le négatif dans quelque chose de constructif, analyse-t-elle. C’est une façon pour moi de faire quelque chose de bien avec tout ça, au lieu de me complaire, justement."
Si elle a parfois l’impression de se livrer abondamment dans ses chansons, la réponse enthousiaste du public et de la critique atténue quelque peu ses craintes. "C’est sûr que c’est pas évident de mettre autant de ta personne dans quelque chose que tu donnes au monde comme ça, admet-elle. Mais quand je vois la façon dont c’est reçu, je me dis que des fois, plus c’est personnel, plus ça touche. C’est pas pour tout le monde, mais il y en a qui sont réceptifs à ça", poursuit celle qui s’efforce d’entretenir une bonne discipline d’écriture. "J’écris tous les jours, mais j’écris n’importe quoi, rigole-t-elle. Ça prend toutes sortes de formes; des fois, ça devient des chansons, d’autres fois ça ne veut rien dire. J’essaie de me garder libre là-dedans, d’y aller spontanément. Et je ne pars pas toujours des textes; des fois de la musique, souvent de tout en même temps. À un moment donné, les éléments s’influencent les uns les autres et je trouve ça stimulant comme façon de faire…"
Émilie Proulx
Dans une ville, endormie
(La Confiserie / Sélect)