Yann Perreau : Voyage au bout de la nuit
Musique

Yann Perreau : Voyage au bout de la nuit

Yann Perreau dévoile ses chansons dans une facture brute et épurée lors d’un concert intime tout en vulnérabilité. Entretien avec une bête de scène transformée en oiseau de nuit.

La nouvelle étonne: Yann Perreau, dont on apprécie les performances physiques et explosives sur scène, se retire auprès de son piano et d’une lune le temps d’un concert intime joliment nommé Perreau et la lune. "Dans mes chansons, la nuit est bien présente, dit-il en plein après-midi de soleil aveuglant d’hiver. Et on peut jouer avec cette idée de lune à plusieurs niveaux… Les cycles, par exemple: je viens de boucler deux tournées, j’ai fait deux albums, et j’avais besoin de présenter une rétrospective avant de me lancer dans un nouveau projet."

Le public est donc convié à une soirée à la belle étoile, lors de laquelle Yann Perreau, qui rentre tout juste d’Europe où il est allé roder son show (en première partie de Dominique A tout aussi bien que dans les petits zincs), renoue avec cet instrument sur lequel naissent ses chansons. "Au piano, je me sens plus vulnérable et fragile, je suis plus fermé, moins extraverti… J’y compose, mais je n’ai aucune technique, je suis tout recroquevillé, alors pour les gens qui m’ont vu exploser sur scène, c’est assez contrasté."

Mais la bête rôde dans les parages… Le chanteur est accompagné par Alex McMahon du trio électro-jazz Plaster (claviers et dentelles électro) et, de temps en temps, ce dernier tient le phare pendant que Perreau, désireux de casser le lyrisme et la linéarité associés à un récital de piano, se lève et sort les griffes. "C’est là que l’énergie et le côté plus incarné et physique ressortent. J’aime la dynamique que ça crée." Car la nuit appartient aussi aux fauves, aux oiseaux insomniaques, aux loups et aux chats gris. Et elle préfère les voyous… "C’est un paradoxe que j’ai toujours aimé exploiter, c’est instinctif et ça fait partie de moi", révèle-t-il.

EN PETITES TENUES

Ainsi, Yann Perreau a décidé de revenir à la base et de dévêtir ses chansons, de les surprendre dans leurs dessous, avec la voix et les mots bien à l’avant: "C’est un show beaucoup plus intérieur, fait avec deux coeurs qui battent, sans flaflas. Toute la poésie des textes ressort." D’ailleurs, mine de rien, l’ancien Doc sans ses chirurgiens commence à s’y connaître quand vient le temps de tripoter les chansons et de choisir des arrangements. En plus d’avoir signé ceux de Nucléaire avec quelques complices, il s’est rendu à Paris, il y a trois ans, pour suivre un stage sur le sujet: "Ce que j’en retiens le plus, à part l’humilité, c’est que du moment où t’écris une chanson qui se tient, tu peux l’habiller comme tu veux; c’est comme une belle femme. Ici, elles sont en petites tenues, alors quelque chose de très sensuel s’en dégage, à cause de cette pudeur et d’une vulnérabilité qui apparaît au fil du dépouillement."

Pigeant dans les titres de ses deux albums, Yann Perreau ne s’est pas gêné pour orchestrer en secret toutes sortes d’alchimies. "Il y a des moments du genre récital de chanson à l’ancienne, d’autres plus exploratoires ou électro-minimalistes, voire glitch. Toutes mes chansons sont malléables." Par exemple, Triste poupée, au lieu de se clore sur une détonation de rock haletant, balance vers la bossa-nova.

Malgré la nuit qui se dépose, l’aube et le jour lui succèdent. Et il y a, chez Perreau, un paradoxe, tout à fait apparent dans Léger… mais bon…, en ouverture à Nucléaire, et aussi dans cette mixture de bière et de jus de tomate qu’il sirote. C’est la lumière qui finit par l’emporter, car comme chez Dumas et Ariane Moffatt, il y a quelque chose de sain en lui. Au lieu de s’entre-déchirer, les amoureux dans ses chansons réveillent leurs forces respectives (Guerrière) et la vie, ici, n’est pas qu’une salope. "La nuance est importante. Je vis beaucoup la nuit et il y a quelque chose d’autodestructeur en moi, comme chez tout humain. Repousser des limites m’excite, le mythe sexe, drogue et rock’n’roll m’a longtemps fasciné, mais à un moment donné, je trouve que ça vaut la peine de vivre son bonheur et de combattre ses dépendances."

Le 1er mars à 20 h
À la Salle Jean-Despréz