Marie-Annick Lépine : Profession: chuchoteuse
Musique

Marie-Annick Lépine : Profession: chuchoteuse

La multi-instrumentiste Marie-Annick Lépine, en pause des Cowboys Fringants, profite de ce répit pour lancer son premier album solo, Au bout du rang, délicat folklore contemporain.

Ce qui séduit d’entrée de jeu, sur Au bout du rang, c’est la voix de Marie-Annick Lépine, dont on avait découvert le potentiel sensuel sur Je ne sais pas de Dumas. Mais les frissons débutent dès les premières mesures de violon de la chanson d’ouverture, Les Mines du Nord. Le décor est planté: ce sera folklorique ou ne sera pas. Douceur lancinante et lenteur avec, parfois, quelques reels pour les pieds dansants. Les amateurs des Cowboys devraient apprécier d’emblée, et les dingues de chanson francophone pourraient être surpris. Ces derniers devraient faire leur miel des ballades moyenâgeuses concoctées par Lépine.

Attablée dans un bar montréalais, Marie-Annick revient sur ses débuts dans la musique: "J’ai appris le violon pendant sept ans, mais ce n’était pas pour faire carrière. C’est assez difficile comme instrument, ça prend de la persévérance. Je continuais aussi à pianoter pendant ce temps. Par moi-même, j’ai appris la mandoline, la guitare, l’accordéon. J’aime vraiment la musique, j’en ai besoin, ça réussit à capter toute mon attention. Comme les arts en général, ça m’aide, car je suis une personne anxieuse. C’est très libérateur de mettre les émotions sur papier, une sorte de thérapie. Même si je ne faisais pas ce métier-là aujourd’hui, je ferais quand même de la musique, car j’en ai besoin pour mon équilibre."

Si Lépine n’a aucun problème à faire avec les Cowboys des chansons de party, elle rêvait de tout autre chose avec son projet solo: "Un de mes buts était de faire un album qui me ressemble, écrire paroles et musiques par moi-même, ainsi que les arrangements et la réalisation, et la pochette!" En effet, la grande maîtresse du cd, c’est elle. Elle a même choisi une de ses toiles pour illustrer sa pochette, inspirée par le peintre André Philibert. Le ton, sur les meilleures chansons, est à l’intime, au souvenir personnel. Elle s’est à peine entourée, sur quelques morceaux, de Catherine Durand et Karl Tremblay aux choeurs, Jérôme Dupras à la basse. La couleur reste feutrée: "Je ne suis pas une chanteuse, je chuchote mes chansons."

Tous les morceaux qu’on retrouve sur l’album sont signés Marie-Annick, sauf L’Air de rien, dont la musique est de Martin Lépine: "Mon frère écrit beaucoup de chansons, et je trouvais cette mélodie super charmante, mais j’aimais moins son texte, assez sombre. J’ai décidé de réécrire le texte et d’ajouter quelques variantes mélodiques. C’est finalement la toune qui parle le plus de moi."

Le processus de création a été long, et c’est un album qui aura longuement mûri en elle: "Ça fait 14 ans que j’écris des chansons, mais ça fait seulement depuis janvier 2005 que je les apprécie assez pour en faire un disque. Je n’avais pas honte de les présenter. Pour que ça me plaise, il faut que ça soit au maximum de ce que je suis capable de donner. Je l’ai fait pour moi, ensuite, tant mieux si ça plaît aux gens."

À l’écoute d’Au bout du rang se mêlent des essences d’intemporalité, telle une musique suspendue dans le temps, à mi-chemin entre les premiers Harmonium et le Moyen Âge des troubadours. Marie-Annick opine et explique: "Pour les arrangements, je suis quelqu’un de très acoustique. J’aime beaucoup les instruments folkloriques." Marie-Annick Lépine semble tout droit sortie des années 70, avec ses robes et sacs multicolores, son air bienheureux, et son téléphone cellulaire. Cherchez l’intrus.

En attendant, le plus important reste son cd, et particulièrement la très belle Au chalet qui réchauffera cet hiver et les suivants.

Marie-Annick Lépine
Au bout du rang
(La Tribu/Sélect)
Disponible le 6 mars

À voir/écouter si vous aimez
-Harmonium
-Beau Dommage
-Mara Tremblay