Les Frères Goyette : Bienvenue au Goyetteland!
Les Frères Goyette, avec leur nouvel album Minimiser les dégâts, montrent qu’il est possible de faire de la belle poésie en s’inspirant des V.T.T. et du cream soda. Entretien schizophrénique avec Olivier Morin (alias Birmance Goyette) et Simon Laganière (alias Mario Goyette).
Ce matin-là, jamais on n’aurait pensé jouer à la roulette russe. L’entrevue prévue avec Olivier Morin, qui incarne Birmance Goyette au sein de la formation mauricienne Les Frères Goyette, s’annonçait normale. Le téléphone sonne longuement. Puis, on décroche le combiné. "J’aimerais parler à Olivier Morin, s’il vous plaît?" Les points d’interrogation se mettent à pleuvoir: "Olivier???" L’averse est suivie d’un inconfortable silence. Aurait-on composé un mauvais numéro? Le temps d’un bref malaise et la voix du musicien s’anime. On comprend du coup qu’on avait une chance sur deux de tomber sur le personnage, et que finalement c’est lui qu’on tient au bout du fil. Bref, on a demandé le mauvais nom! "Je tiens à t’avertir que ça risque d’être un peu imbécile… On a fait une couple d’entrevues en fin de semaine et, chaque fois, ça a un peu dérapé!" D’accord, nous sommes prévenue. Dès lors, il faut cesser de s’accrocher à la logique et se laisser bercer par la poésie de l’absurde. Il faut accepter d’osciller entre la parole du personnage et du vrai musicien. Des univers qui ne sont pas si éloignés au fond.
Après Vos yeules, on chante!, un premier essai à la facture juvénile, et six années de menus travaux, les Frères Goyette reviennent en force avec Minimiser les dégâts, un album-baume pour les âmes en mal d’authenticité qui sera officiellement lancé à Montréal le 10 mars. Car si en apparence les Goyette se noient dans l’humour – un effet sans doute créé par leurs accoutrements quétaines et leur amour de la campagne -, ils chantent pourtant la vie, avec ses hauts et ses bas, ses rêves et ses peines. Ils expriment leurs préoccupations à partir d’une réalité qu’ils connaissent: le village de Champlain, la nature, les véhicules tout-terrain, les sandwichs roulés aux oeufs et le cream soda!
VISITE DE LA COUR ARRIÈRE
Six ans, donc, se sont écoulés avant que Minimiser les dégâts ne voie le jour. Et c’est paradoxalement le départ de deux membres du band qui en a été l’élément déclencheur. "C’est juste qu’on s’est dit qu’il fallait se séparer pour le bien de notre unité familiale. On ne voulait pas que ça vire en chicane. Wilbrun, qui était garde forestier, il s’est trouvé un beau petit poste à Yellowstone. Et Maurice a décidé qu’il aimait mieux enseigner la musique plutôt que de la jouer. Il voulait transmettre son art. Alors, on a recruté Bédard Goyette, un bassiste. Il avait un drôle de boulot: il livrait de la tapisserie! Oui, on a perdu deux membres, mais c’est pour les remplacer par juste un. Logistiquement parlant, c’est beaucoup mieux!" estime Birmance. Ainsi, le nouvel opus prend l’allure d’une seconde chance. "Je te mentirais si je te disais que, quand les deux autres sont partis, on ne s’est pas demandé ce qu’on faisait. J’ai toujours dit à Simon [Laganière, le leader], eh… à Mario Goyette, que ses tounes ne pouvaient pas rester dans un fond de tiroir, qu’elles étaient trop bonnes pour stagner là. On ne pouvait pas tirer la plogue de même! On s’est tellement fait chier…" ajoute Olivier Morin, qui refait surface.
Simon Laganière (alias Mario), rencontré un peu plus tard, est d’ailleurs très content d’avoir persévéré. Car le sextuor récolte peu à peu le fruit de son labeur. Entre autres, une importante chaîne de magasins de disques a décidé de mettre son enregistrement en poste d’écoute et des professionnels de la télé l’ont joint pour réaliser son premier clip. "Il y a une leçon à tirer de tout ça: il ne faut pas lâcher. Quand tu as un rêve, il ne faut pas écouter trop le monde, et faire à sa tête!" soutient le moustachu. À maintes reprises, les Goyette ont trébuché, mais ils se sont toujours relevés. Le leader se souvient de l’expérience des Francouvertes en 2001. "Les Francouvertes, ça a été la première fois où je recevais des critiques, des grosses critiques négatives. Je me faisais un peu varloper. Et ce n’était pas tout le temps fin. Mais, c’était correct. Ça m’a fait chier, mais ça fait un peu partie de la game. […] Plus j’y pense, plus je réalise que c’était un mal nécessaire. Il y en a qui disent: "Ce qui ne tue pas rend plus fort." Il faut que tu apprennes à endosser ça…"
RESTER DANS LE BON SENTIER
Les membres des Goyette ont également dû apprendre à faire des choix en harmonie avec leurs idéaux artistiques. "Nous, ça fait 10 ans qu’on existe, donc on n’est pas à la recherche du succès. On ne veut pas se prostituer non plus. On ne veut pas faire n’importe quoi. On ne veut pas signer avec n’importe quelle compagnie de disques pour qu’elle nous fasse faire les premières parties de Laurent Paquin pour un an. Ce n’est pas ça qui nous intéresse. On a eu notre petite période Juste pour rire et on faisait beaucoup de galas d’humour, mais ce n’est pas ça qui nous branchait le plus. On est des musiciens avant d’être des comiques", lance Olivier Morin.
Minimiser les dégâts papillonne entre les mélodies folk et la pop. Les pièces qui le composent abordent des sujets aussi variés que la rupture amoureuse, les festivités du 25 décembre et la conquête de l’espace. "Mario, c’est un poète!" s’exclame Birmance, de retour. En effet, le pilier des Goyette a un talent fou pour créer de belles images avec les mots du quotidien, pour façonner des univers merveilleux. "STS-333, c’est notre petite comédie musicale. C’est l’histoire des Frères Goyette qui essayent de faire une fusée. […] C’est un bel accomplissement. C’est notre Notre-Dame-de-Paris à nous autres!" renchérit-il. Il y a aussi la pièce Highwood, qui, bien qu’elle semble une parodie des bands francophones qui s’acharnent à chanter en anglais, dévoile un petit côté pamphlétaire. "Dans cette toune-là, je parle des Amérindiens. C’est un peu ce que j’ai vu à Lac-Simon. Je dénonce une affaire super heavy, mais on comprend rien pantoute. Je parle du fait qu’il y avait une police dans la communauté et qu’il y avait des attaques à coups de hache, des suicides… Et tu avais le conseil de bande qui était super riche, mais qui n’était pas foutu d’engager un deuxième policier. […] Moi, je m’amuse. Je suis la politique, mais je ne suis pas engagé comme Les Cowboys Fringants. Je trouve ça drôle de parler d’affaires qui me dérangent pour vrai, mais en humour. Mais, jamais, je n’irais à Bazzo défendre des points de vue!" avoue Laganière.
Par ailleurs, les Goyette n’ont pas l’intention de troquer leur Champlain natal pour la grande ville. Ainsi, il n’y a aucun déménagement en vue, du moins pour les personnages. "On a notre Goyetteland comme Michael Jackson", conclut Birmance.
Les Frères Goyette
Minimiser les dégâts
(Indépendant / Local)