Of Montreal : La grande opération
Of Montreal lançait en janvier dernier un album aussi accrocheur que crypté qui a fait l’unanimité chez les critiques. Éclaircissements avec le chanteur Kevin Barnes, qui ne cesse de nous surprendre.
Avec Kevin Barnes, meneur d’Of Montreal, une formation originaire d’Athens en Géorgie ("Vous essaierez de faire comprendre ça aux douaniers canadiens!"), on ne sait jamais trop à quoi s’attendre – et on aime ça. La formation existe depuis plus de 10 ans et trouve le moyen de ne jamais se répéter. Hissing Fauna, Are You the Destroyer?, son déconcertant petit dernier, est paru en janvier et n’a récolté que des bons mots. Coiffées de titres qui donnent mal aux yeux et à la tête, les 12 chansons composent un des albums les plus aboutis et accrocheurs du combo, ainsi qu’une sorte de synthèse de ses influences. Un aboutissement de la démarche sans concession d’Of Montreal.
On est ici au coeur d’une indie-pop trempée dans le disco, le "freak funk" et le psychédélisme, voies ouvertes sur son précédent opus The Sunlandic Twins. Les textes paraissent hermétiques au premier abord, mais comme Kevin Barnes est un type sympa, lucide et loquace, on s’est entretenu avec lui pour savoir comment approcher la bête. "C’est une période difficile qui a donné naissance à ce disque. J’ai transformé deux, trois années dégueulasses de ma vie en quelque chose de poétique ou de romantique. D’une certaine façon, c’est un de mes albums les plus personnels. La première moitié du moins, dans laquelle je tente de composer avec ma récente dépression, mes problèmes d’anxiété et de paranoïa. Jusqu’ici, j’avais toujours été quelqu’un d’assez équilibré… Il m’a fallu lutter pour me remettre sur les rails. D’où le titre de l’album, qui renvoie à ces voix mystérieuses qui sont venues me hanter. À un moment donné, je me suis demandé si elles me mèneraient à ma perte, à ma propre destruction."
Puis au milieu de l’album survient l’épique The Past Is a Grotesque Animal, d’une durée de près de 12 minutes, qui laisse l’auditeur hors d’haleine. "À travers cette chanson, c’est tout le refoulé qui remonte à la surface. J’ai établi un rapprochement entre le passé et un animal grotesque parce que je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique et que ma mémoire me joue souvent des tours en embellissant ou en enlaidissant les événements et le souvenir que j’en conserve. Et puis les gens ont tendance à se faire une idée sur toi à partir de ce que tu as fait par le passé. Moi je trouve qu’il mérite d’être oublié."
Après cet hymne halluciné et inquiétant, qu’arrive-t-il à Kevin Barnes? Il devient Georgie Fruit, une sorte d’alter ego décadent du chanteur: "Cet album, c’est l’histoire d’une métamorphose. Dans la seconde moitié, j’ai écrit à partir du point de vue d’un personnage pas mal plus vieux que moi, âgé d’une cinquantaine d’années, je dirais. Il était dans un groupe au cours des années 70, mais n’a pas connu une grande popularité. Il s’est retrouvé en prison une couple de fois. Ensuite, il a changé de sexe et il est devenu un she-male. Bref, il est assez loin de moi et c’est pour cette raison que j’ai trouvé intéressant d’écrire à partir de sa perspective."
La dernière fois qu’on avait parlé à Barnes, il y a quelque deux ans, il se (re)découvrait un intérêt pour Prince. Cette influence se ressent d’ailleurs beaucoup dans son approche de la scène qui, si l’on se fie aux récents spectacles du groupe, pourrait contenir des scènes de nudité. La supervision d’un parent n’est surtout pas recommandée.
À voir/écouter si vous aimez
– The Sunlandic Twins (album précédent)
– Le mariage du disco et du psychédélisme
– The Beach Boys