Serena Ryder : La leçon de chant
Musique

Serena Ryder : La leçon de chant

L’Ontarienne Serena Ryder, nouvelle pouliche de l’écurie EMI, célèbre les grandes chansons signées par des compositeurs canadiens, de Leonard Cohen à Raymond Lévesque. Entretien.

C’est en toute humilité que Serena Ryder, petit chapeau de peluche, grands yeux gris chaton et délicate guitare australienne, se fera connaître de nous. Malgré deux disques déjà parus sur Isadora, l’étiquette d’Hawksley Workman dont elle est la protégée, et quelques autres lancés de façon indépendante, ce n’est pas tout à fait un visage familier. Mais le vent pourrait tourner pour elle puisqu’un représentant du major EMI l’a repérée quelque part dans son Ontario natale. Et la voici avec un disque tout chaud en poche sur lequel elle propose ses reprises des grands airs écrits par des compositeurs canadiens entre 1867 et 1967, triés parmi un lot de 500 chansons.

"J’ai choisi celles qui ne me quittaient pas et envers lesquelles je ressentais une connexion particulière, précise-t-elle pour commencer. Je n’en étais pas nécessairement consciente pendant que je planchais sur l’album, mais une bonne partie des titres tournent autour des thèmes de la guerre et de la paix (ndlr Quand les hommes vivront d’amour de Raymond Lévesque, notamment). C’est étonnant de voir à quel point les grandes chansons semblent toujours en prise directe sur ce qui se passe dans le monde, même en dehors de leur époque. Elles sont intemporelles."

If your Memory Serves You Well est un album concocté de façon très naturelle puisque c’est par des covers que Serena Ryder a fait ses premiers pas dans le métier: "J’avais 7 ans, c’était mon premier spectacle et on m’avait donné une Barbie pour récompense… J’étais plutôt garçon manqué et je n’en avais rien à faire." On a d’ailleurs un bref aperçu des premiers pas en question à la fin du disque et déjà, ce qui étonne, c’est cette maturité dans la voix, une des forces de la demoiselle de 24 ans et à qui l’on donnerait bien plus si on ne se fiait qu’à cet organe tout taillé pour le blues et qui couvre trois octaves. "Je crois que c’est à cause des vibratos dans ma voix et peut-être aussi de mes influences."

Son modèle ultime? Leonard Cohen, qu’elle écoutait enfermée dans sa chambre, adolescente, les cheveux teints en noir et rouge à lèvres assorti. D’ailleurs, l’album s’ouvre par une reprise de Sisters of Mercy, un des moments les plus convaincants sur cet album un brin longuet. "Il habite près d’ici, pas vrai?, s’enthousiasme-t-elle. Il y a chez lui une telle profondeur, qui va au-delà des mots qu’il chante. Il sait parler d’amour et de souffrance comme personne. Je le vois comme un survivant et je trouve que c’est la chose la plus courageuse qu’un être humain puisse faire: survivre. Je crois que c’est ce qu’il a fait à travers la musique et que c’est pour cette raison qu’elle sonne si vraie."

Aussi au programme: Bob Dylan, Paul Anka, trois chansons de son cru glissées à la fin, des airs familiers comme Good Morning Starshine, My Heart Cries For You, You Were On My Mind et d’autres encore que l’on découvre, glissées dans cet écrin de folk rock très sage, adulte, qui manque un peu de piquant, pour tout dire. Qu’apprend-t-on sur Serena à travers les sérénades choisies? "C’est plutôt ces chansons qui m’en ont révélé beaucoup… Qu’il n’y a pas vraiment de "propriété" en art par exemple. Qu’il faut écrire à partir de ce qui est vrai et honnête. Faire ce disque fut pour moi une façon d’honorer ceux qui ont pavé la voie. Et de me glisser ainsi dans les souliers de ces compositeurs a élargi mon point de vue."

Serena Ryder
If Your Memory Serves You Well
(EMI)

Le 8 mars
Au Café Campus
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