Julien Clerc : Abolir l’ennui
Julien Clerc, de retour au Québec après huit ans d’absence, faisait le pari en 1968 d’abolir l’ennui. Sa carrière exaltée, en dents de scie, prouve qu’il a souvent tenu sa promesse.
Julien Clerc, avant d’être un séducteur à la voix mielleuse, éternel adolescent dans un corps qui ne vieillit pas, était au début de sa carrière un romantique forcené, un doux dingue délirant, hurlant. Cheveux longs bouclés, il clamait dans La Cavalerie, chanson mythique des années 60: "J’aurai enfin tous les courages/Ce sera mon héritage/Et j’abolirai l’ennui/Dans une nouvelle chevalerie". Pendant dix ans, le chanteur offrira un répertoire superbe, aux arrangements extrêmement sophistiqués (dont s’est inspiré Pierre Lapointe pour La Forêt des mal-aimés). Puis, ce seront les années Plamondon, hélas. Et la renaissance arrive avec l’album Utile en 1992 jusqu’à aujourd’hui, où il revient enfin au Québec pour une série de spectacles.
"J’ai demandé à faire une tournée étrangère avec un spectacle légèrement différent, qu’on ne montrera pas en France. C’est plus intimiste, on est seulement trois sur scène (clavier, basse, guitare). Ça nous permet de passer dans des salles un peu moins grandes. Pour des raisons techniques, il y a quelques morceaux trop rock que j’ai enlevés", raconte Clerc.
Évidemment, avec un artiste de cette envergure au bout du fil, on cherche à le cuisiner pour savoir quelles chansons seront au programme: "Là, je reprends des choses que je ne chantais plus depuis très longtemps: La Petite Sorcière malade, Danse s’y…" Et Le Coeur Volcan, qui est une des plus bouleversantes de tout son répertoire? Nonchalant, il répond: "Oui, oui, elle y sera. C’est un tour de chant qui fait très plaisir aux fans, en France. Un concert, ça se monte avec le public. C’est lui qui vous indique, par ses réactions, si cette chanson-là a une raison d’être, si celle-là est à la bonne place, etc. La dramaturgie, on ne peut la construire qu’avec le public."
Il précise le rapport qu’il y a entre lui et les gens qui se déplacent pour l’applaudir: "Ils viennent un peu comme ils vont au théâtre, par exemple. J’ai toujours l’impression d’avoir à refaire mes preuves. C’est étrange, je ne sais pas si c’est ressenti comme cela du côté des gens. Mais moi, j’ai toujours l’impression que ce n’est jamais acquis. On attend toujours pas mal de moi…" dit-il en riant. Puis il précise: "Je n’ai jamais eu un répertoire véritablement facile, même si certaines chansons sont très connues. Quand je chante en spectacle, il y a un côté religieux. Il y a une qualité d’écoute très grande."
Julien Clerc, en quarante ans de carrière où se mêlent timidité et grand fracas, ballades transies et cris de guerre (contre l’ennui, la peine de mort, avec L’Assassin assassiné), laisse une oeuvre toujours en mouvement, pas toujours réussie mais néanmoins pleine de sève. Il demeure un des artistes les plus importants de la chanson française. Un monument qui chante et sue encore, heureusement.
Les 5 et 6 avril
À l’Olympia
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À voir/écouter si vous aimez
-Pierre Lapointe
-Maxime Le Forestier
-Jacques Brel