Mighty Popo : Le parcours du sage
Mighty Popo a lancé en février son quatrième album, Muhazi. Portrait d’un homme qui n’hésite pas à faire son chemin en marge des grands courants.
Quel artiste rwandais immigré à Ottawa il y a 20 ans a partagé la scène avec Neil Young et Daniel Lanois, fait partie d’un collectif (The African Guitar Summit) mis en nomination aux Juno pour la deuxième fois en trois ans, collabore avec l’un des groupes les plus prometteurs de la région (Souljazz Orchestra) et figure sur le DVD du dernier Live 8 organisé par Bob Geldof?
Cet homme, c’est Mighty Popo alias Jacques Murigande. Il est né au Burundi, entre les ghettos peuplés de réfugiés rwandais et les quartiers riches où on célèbre la Françafrique. Fils d’intellectuels rwandais, il parvient à faire des études et immigre au Canada en 1987, le seul endroit ayant donné suite à ses nombreuses tentatives d’obtention d’un statut de réfugié. Symboliquement, sa première preuve de citoyenneté est une carte de réfugié distribuée par les Nations Unies. Il apprend la guitare, ingère une quantité fulgurante d’influences et reflète dans ses chansons le monde qu’il lui est donné de connaître et dans lequel s’entrechoquent et se fusionnent des rythmes et des sonorités de tous les coins du monde: "Mes influences, je les ai vécues, donc ça sort naturellement", confirme l’artiste. Les instrumentations puisent ainsi dans de multiples influences, mais les chants (en swahili et kinyarwanda) sont résolument africains.
La musique africaine ayant engendré le blues, le reggae, le jazz, le R&B, etc… Popo passe de l’un à l’autre avec une aisance et un plaisir qui ne manquent pas de rappeler que la musique est d’abord une expression de l’âme. Son dernier album, Muhazi, a l’effet d’un baume sur nos tympans tellement sollicités. C’est une musique qui fait du bien, qui sent bon l’air extérieur. Guitares, chants et rythmes arrivent à nous faire oublier un instant la ville, le boulot, la politique: "Je survis dans ma tête. Physiquement parlant, Ottawa me plaît parce que les grandes villes me font peur. Je n’aime pas trop voir les cravates, les gens qui courent pour aller travailler. Ça me permet de rester dans ma tête sans trop souffrir."
Chez Popo, on retrouve une sagesse empreinte d’humanité, une vision à la fois confiante et réaliste du monde dans lequel on vit. Sagesse qui lui permet de vivre de son art malgré le peu d’attention médiatique dont il dispose: "J’arrive à en vivre parce que je suis simple. Si j’avais des aspirations hollywoodiennes, ça ne marcherait pas. J’apprécie ce que j’ai". Il prévoit faire paraître un album dub prochainement, travaille sur un projet d’émission de radio consacrée à la musique du monde qui verra le jour à Kigali, où il se mariera d’ailleurs en septembre prochain.
Le 13 avril à 21h
(avec Vince Halfhide, Clarence Smith, Petr Cancura, Dave Hubenig, Elaje M’baye et Neema Mugala)
Au Blacksheep Inn
Mighty Popo se produira également les 6 et 7 avril au Musée de la guerre, avec le troupe Izuba de Kigali, venue présenter la pièce Essuie tes larmes et tiens toi debout!, conçue à la mémoire du génocide rwandais.