Jean Michel Jarre : Transistors et résistances
Un Chinois sur deux connaît Jean Michel Jarre! Soixante millions d’albums plus tard, le compositeur, scénographe et architecte lance le moins électronique de ses disques, TÉO & TÉA.
Jean Michel Jarre fréquente le Guinness Book. Il y détient toujours le record du plus imposant spectacle en France ainsi que celui de disque le plus vendu: Oxygène, son premier album de bidouillages techno que tout le Québec a connu. Techno? C’était en 1976 et le mot n’existait pas plus que le DX7!
Entre Madrid et Berlin, alors qu’il traverse à Paris un studio de télé au pas de course, l’homme aux soixante millions de disques (!) évoque des inspirations originales puisées au sein de la musique concrète et du rock.
"Après quelques groupes de rock, insatisfait, je suis rentré dans un organisme de recherche musicale dirigé par Pierre Schaeffer, l’inventeur de la musique électronique. Il professait la fabrication de musiques avec des bruits que l’on transformait. C’était une approche innovatrice fascinante, très "culinaire", que de mélanger les fréquences comme des ingrédients. À l’époque, c’était révolutionnaire… Mais la musique expérimentale, j’en suis vite sorti pour tenter de faire le pont entre la pop et l’expérimental. Schaeffer me disait: "Toi, tu dois rejoindre les gens…""
En 1976, en pleine ère disco, Oxygène, son premier essai, ne trouve d’abord aucun preneur. Il en vendra finalement 12 millions! "Au départ, il a été refusé partout parce que ce n’était pas à la mode. Un Français inconnu, des morceaux de dix minutes… Un petit label l’a finalement sorti en Hollande et puis ça a explosé mondialement. Cocteau disait que tout ce qui est à la mode se démode. Je suis bien content de n’avoir jamais tenté de faire de la musique à la mode!"
De fait, fidèle à ses longues trames électroniques mélodieuses et aux synthés analogiques, Jarre résiste aux modes depuis 30 ans. Une longévité qui surpasse les Tangerine Dream, Klaus Schulze, Kraftwerk. "J’ai tenu le coup parce que je croyais immensément au pouvoir d’attraction de la musique électronique. Après une période sombre, l’explosion de la musique techno dans les clubs et l’apparition des synthétiseurs avec des sons préfabriqués en usine ont remis l’électronique un peu plus dancefloor à la mode. Je suis désormais un des musiciens les plus échantillonnés de la planète!"
Durant ce passage à vide, où ses albums font un peu moins recette, Jarre se lance dans une série de concerts pharaoniques et attire des foules insensées: 1986, Houston: 1,3 million. 14 juillet 1990, Paris La Défense: 2,5 millions de personnes. Moscou, 6 septembre 1997: 3,5 millions. 1999, au pied des grandes pyramides de Gizeh: 2 milliards de téléspectateurs. "Ce sont des événements qui ne se produisent qu’une seule fois, qui créent un moment magique et éphémère", dit Jarre pour expliquer ces audiences hallucinantes.
Paru le 26 mars dernier, le 18e album de Jean Michel Jarre, TÉO & TÉA, marque paradoxalement un retour aux instruments traditionnels qu’il n’avait osé utiliser que dans ses musiques de films. Un disque en hommage au couple, à sa femme, Anne Parillaud (la Nikita de Besson). "C’est beaucoup plus dance, si je puis dire. Je n’ai pas fait ça par opportunisme car je l’aurais fait depuis longtemps. Le concept se prêtait à des thèmes dancefloor puisque les clubs sont des lieux de rencontre privilégiés", dit-il laconiquement avant de s’en aller, essoufflé, accorder quelque 15 minutes bien comptées à des médias brésiliens, chinois, russes, australiens, hindous, italiens, portugais…
Jean Michel Jarre
TÉO & TÉA
(Warner Music)
À voir/écouter si vous aimez
– Vangelis
– Tangerine Dream
– M83