Monica Freire : De sable et de neige
Musique

Monica Freire : De sable et de neige

Monica Freire, c’est toute la chaleur du sable et du soleil du Sud, livrée par une voix suave et empreinte d’une force nordique. Entretien.

La rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre… Était-ce la première partie du spectacle d’Ariane Moffatt qu’elle assumait avec aisance l’automne dernier à la Maison de la culture de Gatineau? Était-ce le choix de Radio-Canada de la faire Sacré Talent 2006, son passage à Belle et Bum, son Félix Album de musique du monde, sa nomination aux JUNO? Ou simplement que son dernier album Bahiatronica (2005) avait conquis les oreilles outaouaises? Peu importe la réponse, une chose est certaine: Monica Freire est attendue dans la région, puisqu’on affiche complet à La Basoche du Centre culturel du Vieux-Aylmer, en plus d’avoir ajouté une supplémentaire.

Et comment ne pas s’enivrer de cette musique qui mêle les rythmes bossa aux grooves électro que propose cette Brésilienne d’origine? Son album Bahiatronica a effectivement remporté un succès considérable autant auprès de la critique que du public, avec ses pièces originales chantées en portugais ainsi que les reprises de Ma Petite Guerrière de Pierre Flynn et des Eaux de mars de Moustaki (en duo avec Ariane Moffatt). "Je pense que Bahiatronica a fermé un cycle dans ma vie. Il a pu faire les liens entre ce que j’avais commencé au Japon et ce que j’ai entamé ici de façon un peu plus pertinente", relate d’entrée de jeu Monica, de son joli accent.

C’est qu’elle en aura fait du chemin, cette intrépide guitariste à la voix de soie! Quittant son Bahia natal pour les Antilles à 18 ans, elle s’envole ensuite pour la France, où elle résidera deux ans. C’est en 1993 qu’elle s’installera finalement à Montréal pour partager son temps avec le Japon, puisqu’elle y lancera deux albums en 1996 et 1997, en plus d’y effectuer d’importantes tournées. Une période marquante dont elle se plaît à relater quelques anecdotes lors de ses spectacles. "Le Japon est probablement l’endroit le plus opposé à ma personnalité. Je suis assez extravertie, j’aime parler, être avec les gens, j’aime regarder, sourire, toucher. Ça a donc été une école pour moi. J’adorais me promener au parc à 5 h du matin et voir les personnes marcher dans leur petite bulle, vraiment en paix, en harmonie avec eux-mêmes… Ça m’a éveillé l’envie d’être un peu plus zen dans ma vie personnelle. J’ai tendance à être plus rebelle, un peu plus tumultueuse… Mais il y a des moments où j’aime m’arrêter pour avoir un regard plus paisible sur la vie…" note-t-elle.

ENTRE LES DEUX, SON COEUR BALANCE

Aujourd’hui, c’est plutôt entre le nord et le sud de l’Amérique que son coeur balance… "On m’a déjà dit qu’une fois que tu émigres, tu n’es plus jamais complètement équilibré. C’est vrai en quelque part, parce que quand je suis au Brésil, il y a beaucoup de choses d’ici qui me manquent, et quand je suis ici, il y a beaucoup de choses de là-bas qui me manquent. Mais avec le temps, on apprend à le combler autrement. Je n’ai pas la nostalgie du Brésil, mais c’est sûr que ma famille, c’est un gros morceau qui manque; les gens qui t’aiment et qui t’ont vue grandir. J’y retourne toujours une fois ou deux par année."

Un ressourcement qui lui permet aussi de faire le plein musicalement puisque ses racines y sont encore bien enfoncées. "C’est tout à fait normal que les gens voient un exotisme ou un goût du voyage dans ma musique. S’ils comprenaient les paroles, ça me donnerait un autre atout, soit de pouvoir être dans une symbiose plus immédiate avec eux. Je donne beaucoup d’importance aux mots, mais je pense que la musique peut être transparente aussi; chacun peut traduire la chanson comme il le ressent", constate l’artiste engagé socialement qui a grandi avec les chansons de Gilberto Gil et Caetano Veloso. "Cela m’a montré dans quelle mesure la chanson peut être un véhicule. Il y a toute une beauté et une lumière incroyable dans la poésie et dans l’écriture brésiliennes qui transcende tout ce qui est politique. […] Mon engagement me vient peut-être aussi de ma mère, qui travaillait socialement dans plusieurs communautés moins privilégiées. On n’était pas dans une famille où tout était facile non plus, alors j’ai grandi avec les volontés de remettre en question et de révolutionner certaines choses qui n’étaient pas à la bonne place."

JE VOUDRAIS VOIR LA MER

Et s’il y a un élément qui lui manque viscéralement de sa terre d’origine, c’est la mer qu’elle se plaît à chanter. "Ça peut paraître comme un élément superficiel pour certains, mais quand tu grandis auprès de la mer, c’est presque un mode de vie qui t’entoure. Tu ne regardes pas les choses de la même façon, je crois. Il y a quelque chose d’assez particulier qui m’habite", constate-t-elle. Elle dit toutefois s’être adaptée plus que jamais au Québec ces dernières années: "Plus je fais du ski, plus je deviens une mordue de la neige!" sourit-elle avant d’ajouter plus sérieusement: "Je reste parce que j’aime vraiment ça, sinon je serais repartie il y a longtemps. Je n’aime pas cet aspect de l’immigration où les gens restent parfois pour une question de confort et pas pour une question de passion. Moi, je me sens trop passionnée par la vie pour que le confort prime."

Bien que son coeur ait un penchant pour le voyage, Monica essaie dorénavant de garder les pieds bien à terre, dans son combat à essayer de vivre le moment présent, elle qui a tendance à vivre un pas en avant. C’est dans cette optique qu’elle termine bellement sa tournée "en trio" en ce mois d’avril, après quoi elle se retirera pour un moment de gestation qui mènera à un prochain album. La musicienne travaillera à nouveau avec son complice de toujours, le bassiste et compositeur Dan Gigon, et avec les mêmes réalisateurs québécois – Guy Dubuc et Marc Lessard. Elle a de plus réussi à décrocher la collaboration d’un réalisateur très prisé au Brésil – là où elle enregistrera une autre partie de l’album -, dont elle se garde bien de révéler le nom. "Avec Bahiatronica, on a réussi à vraiment établir les mosaïques, et j’ai vraiment envie d’aller plus profondément dans ça et de retirer les couleurs prédominantes voulues, illustre-t-elle. Alors je suis contente que ce soit un processus qui va commencer bientôt."

Les 13 et 14 avril à 20h
À La Basoche
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