Richard Séguin : Comme un air de Séguin
Musique

Richard Séguin : Comme un air de Séguin

Richard Séguin retrouve sans doute pour la dernière fois le Spectrum, lui qui en fut un pilier, pour une série de spectacles dans la foulée de Lettres ouvertes, son acclamé dernier album.

On rejoint Richard Séguin dans le hall d’entrée du Spectrum. Symbolique point de rencontre, car l’endroit devrait être détruit en août, après les FrancoFolies. Parmi les photos-souvenirs qui jalonnent les murs, qui illustrent les moments historiques et glorieux de la salle, celle de Séguin a longtemps figuré en bonne place, aux côtés de Renaud et de nombreuses autres vedettes.

L’interprète de Journée d’Amérique, cet hymne qui fit prendre conscience à plusieurs Québécois de leur américanité, foule les planches du Spectrum depuis une vingtaine d’années: "La première fois que j’ai joué ici, c’était pour Double Vie. Le Spectrum est pour nous, à Montréal, la référence. J’aime sa proximité, la disposition de la salle. Et l’équipe, aussi. On s’était beaucoup attaché à l’équipe qui travaillait ici. Elle rentrait vers quatre heures, en même temps que débutaient nos tests de son. Quand tu joues 28 soirs au même endroit, il se crée une complicité. Pendant qu’ils installaient les tables, ils nous demandaient telle ou telle toune. Ils aimaient travailler pendant qu’on répétait L’Ange vagabond."

C’est avec plaisir et un rien ému que Séguin nous fait faire le tour du propriétaire: coulisses, loges, mur des graffitis et enfin la scène. Avec les petites lumières en forme d’étoiles droit devant. Le chanteur est tel qu’on l’imaginait: simple et chaleureux comme ses meilleures chansons, vibrant comme une corde de guitare. Sur sa lancée, il continue de raconter son Spectrum: "C’est une salle très polyvalente, aussi. Certains soirs, dans la frénésie de Journée d’Amérique, on décidait d’enlever les tables. Tout le monde debout. Puis quand le spectacle était plus intimiste, plus folk, on remettait les tables, on organisait ça autrement."

Par contre, en tant que spectateur, l’endroit n’est pas que pur bonheur: le son est souvent mauvais, l’attente en file dehors, interminable. De certains endroits dans la salle, on ne voit pas la scène. Mais Séguin préfère garder en tête les bons moments, les spectacles mémorables auxquels il a assisté: Laurie Anderson, Jacques Higelin, Peter Gabriel.

Pour son dernier Spectrum, Séguin est accompagné de quatre musiciens, dans un concert qu’il promet "très guitaristique, proche des racines folk. La façon dont j’aime concevoir mes spectacles, c’est de jouer le plus possible du dernier album. Cette fois-ci, il y aura 12 chansons de Lettres ouvertes. Dans ma tête, il y a toujours une histoire qui se construit, qui vient répondre à celle des nouveaux morceaux".

Entre son CD Microclimat, produit en 2000 chez Musi-Art, et Lettres ouvertes, son dernier-né paru l’automne dernier et écoulé à 30 000 exemplaires avec l’aide d’une solide équipe promo derrière lui, Séguin a enregistré et fait paraître en 2003 un magnifique disque sobrement intitulé Solo, parenthèse essentielle. Sur celui-ci, il reprend tout seul quelques classiques de son large répertoire (Pleure à ma place, Sous les cheminées), un titre écrit pour Luce Dufault (Belle ancolie), des inédits et une poignée d’instrumentaux qui valent leur pesant d’humanité, de sensibilité. L’homme au regard bleu comme le Québec a toujours su tricoter des mélodies qui restent en tête. Et puisqu’on sait qu’il aime le folk, on lui parle de celui, pudique et planant, d’Émilie Proulx, une nouvelle venue. Séguin, toujours ouvert (il suit de près le Festival de Petite-Vallée), prend son nom en note. Qui sait? Ça lui ferait une première partie formidable.

À l’origine du CD Solo, autoproduit et fait maison, il y a un dégoût, une révolte contre l’industrie du disque. L’artiste avait envie de plus de souplesse, de simplicité. Alors il est parti sur les routes présenter ses chansons en solitaire. Dans ses bagages, outre une précieuse guitare, les compacts qu’il vendait après ses spectacles ou sur Internet. Dommage, pour un si beau disque, que cette distribution confidentielle. Le public avait soif de Séguin, il faut croire, car il a réservé un succès à Lettres ouvertes qui retrouve la faveur populaire en même temps qu’une étiquette officielle: "Solo, c’était un peu comme un travail de guérison, faire ça tout seul dans ma campagne, une petite production, super simple, avec les moyens que j’ai, mon petit studio, ma blonde a fait la pochette… On s’était bidouillé quelque chose comme un microcosme."

Trois ans plus tard, Richard Séguin est guéri. Et prêt à réaffronter les bains de foule.

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