Salif Keïta : En noir et blanc
Musique

Salif Keïta : En noir et blanc

Salif Keïta est incandescent. L’ange du Mali revient chez nous avec la même formation que l’année dernière et projetant avec modestie: "J’espère qu’on va faire la même chose!"

D’abord, partons de l’énoncé scientifique qu’il n’y a qu’un seul Salif Keïta. Même si le nom est très répandu dans l’Afrique subsaharienne, il n’y a qu’un seul albinos, un seul Salif, un seul chanteur prodigieux, avec cette voix inouïe. Précisons ensuite, pour la petite histoire, que la dernière visite du fameux artiste malien à Montréal a fait tout un tapage. C’était au Spectrum, pendant le dernier festival de jazz. Et cette fois, Salif et sa bande étaient en feu. Ça "levait" vraiment, comme on dit!

Déjà, ses deux derniers albums, l’extraordinaire Moffou et son excellent dauphin M’Bemba, qui coïncident avec son retour à Bamako, marquaient un tel retour aux sources, un tel changement esthétique… On serait tenté de croire que ce pionnier de la musique africaine moderne renie en bloc les synthétiseurs et les grandes années des albums mythiques et quasi progressifs comme Soro et Ko-Yan ainsi que ses collaborations mémorables avec les réalisateurs François Bréant (ex-arrangeur de Bernard Lavilliers) et Joe Zawinul (le maître à penser du vaisseau amiral du "jazz world" de l’ère électronique Weather Report) .

"Pas du tout, affirme Keïta à l’autre bout du fil, depuis Paris. Ce sont des moments que j’ai bien vécus, et j’ai beaucoup aimé ce qu’on a fait ensemble. Tous ces collaborateurs restent des amis".

N’empêche que si le côté méditatif ou incantatoire n’a peut-être pas complètement disparu, il y a un aspect plus "festif" de plus en plus évident sur scène. Salif nous rassure: c’est toujours un peu normal que les concerts "chauffent" un peu plus que l’album grâce à l’énergie du public. Mais on comprend aussi que l’enracinement dans l’univers culturel africain a permis à cet enfant maudit (à cause de son apparence), cet authentique descendant de la famille royale du Mandé, d’insuffler à sa musique une nouvelle âme, plus organique. "Sincèrement, depuis le jour où j’ai quitté le Mali, je savais que j’y retournerais. Dans ma tête, j’avais la certitude de revenir après un certain temps, de ne pas m’exiler pour toujours. Mais ce qui m’a le plus poussé à le faire à ce moment précis, c’est la constatation qu’on avait encore beaucoup plus besoin de moi en Afrique qu’en Europe."

Besoin, vous dites? Ce descendant direct de Soundjata Keïta, fondateur de l’empire mandingue au XIIIe siècle, se rend utile pour les artistes locaux. Mais surtout, il milite activement pour améliorer le sort et les droits de ceux qui souffrent comme lui d’albinisme. Avant de créer SOS Albinos, ce Keïta-là a essuyé des jets de pierres quand il était jeune, au Niger.

L’autre vraie fierté du chanteur: sa fille Nantenin, que l’on voyait sur la pochette de l’album Folon en 1995, est devenue championne du monde du 400 mètres pour handicapés. On raconte que Salif fut rejeté par son père et qu’il ne découvrit sa voix que par accident, en criant contre les singes qui menacent le bétail dans les champs. "Je ne m’attendais pas à ça. Je suivais d’autres chemins, confesse l’intéressé. Ça m’a sauvé, en quelque sorte. Je me destinais à l’agriculture, à l’enseignement. Je voulais être professeur; je n’avais pas conscience d’avoir un don, d’avoir cette voix…"

Le 22 avril
Au Spectrum
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À voir/écouter si vous aimez
-Amani Keïta
-Habib Koité
-Oumou Sangare