Alexandre Belliard : Dans un océan
Alexandre Belliard présente Demain… la peur, un album-concept qui raconte une fuite sous l’océan, avec pour camarades de plongée Renaud, Rimbaud, Mickey 3D et Jim Corcoran.
Ariane Moffatt l’a chanté: sous l’eau, c’est tellement moins pesant. Elle rêve de vivre dans l’océan. Sans connaître cette chanson, Alexandre Belliard prolonge l’idée et décide, pour son deuxième opus, de consacrer tout son disque à ce thème: fuir la lourdeur, la laideur de la terre pour découvrir des trésors cachés, sous-marins.
Seulement deux ans séparent les deux CD de Belliard. À l’heure de la lenteur du milieu artistique, ce délai paraît plutôt court: "On n’était pas au mastering de Piège à con (son premier disque) que j’étais déjà en train de parler du deuxième album, de travailler sur le concept. J’ai eu deux bonnes années, quand même, pour le faire", raconte le chanteur débordant d’enthousiasme au téléphone.
Deux ans plus tard, quel regard porte-t-il sur Piège à con? "J’en suis très content, il m’a mis au monde, m’a permis de passer deux années magnifiques. J’ai fait une centaine de spectacles. Par contre, sur Piège à con, je ne m’étais pas beaucoup impliqué dans les arrangements. J’avais délégué pour la réalisation. Tandis que pour le nouvel album, j’ai pris de l’expérience, je suis arrivé en pré-production en sachant ce que je voulais, une direction précise: des drums et des bass en avant, avec les voix en strumming (effet planant)", explique-t-il.
Belliard se veut d’abord un auteur avant d’être chanteur ou compositeur. C’est pourquoi on s’étonne de voir la collaboration de Jim Corcoran, qui signe les paroles de T’as pas à m’en parler: "J’ai participé à un hommage à Corcoran au Festival de Petite-Vallée. Il a voulu que je lise son recueil de textes, que j’en choisisse un pour le remettre en musique. N’importe lequel. J’ai aimé ce jeu, je n’avais jamais fait ça. Je n’ai toujours pas entendu la version originale, qui est sur un 33 tours. Quand je vais chez les disquaires, je fouille toujours pour le trouver!"
En revanche, on n’est pas surpris de retrouver sur Demain… la peur une chanson hommage à Renaud, fin portrait du "chanteur énervant" avec Thomas Hellman au banjo. Une chanson pour saluer l’oeuvre et la vie d’un artiste d’exception dont les couplets continuent de hanter Alexandre et des milliers d’autres. On peut aussi entendre sur ce disque une reprise de Mickey 3D, une influence majeure chez lui: "J’ai tous leurs albums. Même le nouveau, Mick est tout seul, je l’ai fait venir de France le jour de sa sortie. Furnon (l’âme du groupe) m’inspire tellement! Ses textes sont bizarres: simples, mais tellement bons, tellement touchants. J’en suis jaloux, alors j’ai eu envie de le chanter. C’est toujours dangereux de reprendre des trucs, mais la chanson Là "fittait" bien avec mon disque. Je voulais la partager avec le monde."
Le gars est généreux, bavard et curieux. Il nous parle de sa chanson Rimbaud d’enfer qui fait l’inventaire de plusieurs mots chers au poète, jusqu’à utiliser le poème Voyelles pour constituer son refrain. La passion de Belliard pour le poète aux semelles de vent remonte à loin: "Quand j’ai découvert Rimbaud à 17 ou 18 ans, j’ai lu Une saison en enfer, et 11 jours après, je partais seul à Charleville avec 200 piastres dans les poches et mon sleeping bag. J’ai marché le chemin qu’il a fait avec Verlaine. Je suis devenu complètement obsédé par le personnage et l’oeuvre, particulièrement Une saison en enfer."
Demain… la peur bénéficie de la réalisation d’Hugo Perreault qui donne une couleur pop-rock un peu plus musclée que sur Piège à con. Quant à Alexandre Belliard, à une semaine de la sortie du nouveau CD, il pense peut-être déjà à la suite: d’autres routes, d’autres chansons, d’autres projets. Loin de "l’oisive jeunesse", selon l’expression de Rimbaud.
Alexandre Belliard
Demain… la peur
(Musicor / Select)
En magasin le 1er mai
À voir/écouter si vous aimez
– Richard Séguin
– Mickey 3D
– Rimbaud