Anjani : Mouvements du désir
Musique

Anjani : Mouvements du désir

Anjani, un an après la parution de Blue Alert, retrouve la scène montréalaise avec Leonard Cohen, son parolier et compagnon de vie.

Leonard Cohen le confessait dans ces pages en mars 2006: l’étonnant accueil réservé aux chansons de Blue Alert le surprenait. Désormais, dans son couple, plus personne ne s’en étonne: "Depuis, nous avons compris. Il existe un concept métaphysique qui prétend que le temps s’accélère. Il devient de plus en plus difficile de fonctionner dans les structures sociales, de conjuguer travail et vie personnelle. Dans ce contexte, une grande part de la musique qui marche est faite pour s’évader, distraire et engourdir l’esprit", dit Anjani depuis Los Angeles où elle répète intensivement durant quatre jours: "Ce que nous avons fait est fort différent. Ces chansons permettent de descendre au fond de soi, jusque dans les recoins sombres de l’âme, de réfléchir."

Depuis la parution de l’album il y a 11 mois, Anjani, dans la lumière des spots, et Cohen, plutôt tapi derrière la scène à l’exception de quelques apparitions, ont visité Montréal, Toronto, Varsovie, Londres, Oslo, histoire de tâter le terrain prudemment: "Leonard et moi-même n’avions pas mis les pieds sur scène depuis 12 ans. J’ai fait d’abord quelques brefs concerts pour vérifier si je m’y sentais toujours à l’aise. L’expérience a été concluante, et nous sommes très contents de l’accueil des gens."

La collaboration entre Cohen et la chanteuse issue des classes de Berklee et du jazz (Stanley Clarke, Carl Anderson…) débute en 1984 lorsqu’elle chante sur Hallelujah. Cohen l’emmène ensuite en tournée et la pousse à sortir un deuxième album solo en 2001, The Sacred Names, oeuvre quelque peu biblique où il signe déjà quelques textes religieux. Lors de l’enregistrement du quatorzième Cohen, Dear Heather, le couple est devenu inséparable. La relation fusionne sur Blue Alert, où Leonard signe tous les textes, Anjani toutes les musiques aux accents de jazz bluesy intime. Au moment des concerts, Cohen, qui la suit partout, s’efface quelque peu: "Nous échangeons des suggestions. À propos de la scène, ses instincts sont essentiellement justes. Mais les décisions m’appartiennent. D’autant qu’actuellement, il travaille sur son propre disque, j’y collabore, et il m’a donné de nouveaux textes en vue d’un autre disque… C’est une présence inestimable à mes cotés."

Le 30 juin dernier, Anjani présentait à Montréal une demi-douzaine de chansons devant un public déjà conquis. Ce petit moment de grâce sobre avait quelque chose de quasi religieux, d’hypnotique: "Il y a plusieurs manières de pénétrer chez les gens; il y en a qui défoncent les portes, je préfère tourner lentement la clef…" dit-elle de cette voix douce et enjouée. "Et ce sont des textes qui se prêtent bien à un état méditatif: trouver, même dans le souvenir des moments difficiles de l’existence, une sorte de compréhension, l’empathie et le pardon… Comme le dit la soeur de Leonard: "On ne perd pas toujours, et tout n’est jamais totalement perdu.""

Écrits pour la plupart au terme de l’exil monastique zen de Cohen dans le monastère de Mount Baldy, près de Los Angeles, les 10 textes de Blue Alert, qu’elle reprend intégralement sur scène, sont aussi le témoignage du moment où, après des temps de renoncement, l’envie et le désir de l’autre retrouvent subtilement leur place et inquiètent, comme l’odeur âpre d’un joint peut tenter un toxicomane repenti: "Ce sont des textes qui tournent autour du moment où le désir reprend ses droits, mais où la peur et l’hésitation persistent encore. Simplement parce qu’en amour, on peut y laisser son coeur. C’est difficile, mystérieux, l’engagement… Ne plus tout contrôler…" Elle ajoute, un brin moqueuse: "En étais-je la cause? La cause d’une certaine frayeur? J’espère bien que non… mais oui, probablement…"

Le 27 avril
Au Cabaret du Musée Juste pour rire
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