Blonde Redhead : Ménage à trois
Pour Blonde Redhead, la musique naît à la jonction d’une pop rêveuse, d’une poésie voilée et de quelques images cryptées. La chanteuse Kazu Makino nous donne quelques clés.
Il était une fois un triangle isocèle: une chanteuse à la voix d’ange déchu née au Japon et deux jumeaux identiques d’origine italienne. Tous trois s’étaient liés à New York, avaient en commun un sens de la mélancolie et fabriquaient une musique en équilibre entre pop vaporeuse et inflexions noisy: "En effet, cette relation triangulaire est devenue très solide au fil des ans (ndlr: Blonde Redhead existe depuis 1993), raconte Kazu Makino, jointe à San Diego avant un spectacle. En studio, on peut inviter une quatrième personne, convier d’autres musiciens, mais ce ne serait pas possible sur scène puisque tout se décide à la dernière minute et que ça se déroule en temps réel. T’as à peine le temps de réaliser ce qui se passe que déjà tout est fini." Donc, oublions tout de suite les superbes arrangements de cors à la Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band qui enveloppent certains passages du nouveau compact, impossibles à reproduire en show.
Ce dernier album du trio est paru il y a quelques jours. Tout à fait en continuité avec le précédent Misery Is a Butterfly, la galette s’intitule 23 et propose, en pochette, un dessin d’une poésie à la fois cryptée et percutante: une joueuse de tennis à quatre jambes sur fond bleu poudre. Pour le titre, aucun lien avec le film du même nom mettant en vedette Jim Carrey, évidemment: "C’est tout simplement mon numéro d’appartement. Je n’avais pas idée à quel point ça deviendrait une sorte d’énigme pour les gens! C’est aussi mon nombre préféré et j’ai voulu intituler l’album ainsi parce que je crois qu’il mérite presque de devenir mon favori." Quant à l’image intrigante, "je l’ai dénichée dans une librairie appartenant à un photographe. Elle était toute petite, ça m’a frappée. Je cherchais quelque chose de simple et de puissant", raconte l’ancienne étudiante en arts.
Il y a toujours chez Blonde Redhead cette poésie légèrement hermétique, cette tristesse belle, poignante, un vague à l’âme qui fait du mal et du bien en même temps. Pour Kazu Makino, la musique est-elle un baume ou un canal? "C’est difficile pour moi d’en parler car je ne sais pas exactement où je puise ça, d’autant plus que je ne suis pas quelqu’un de particulièrement tragique dans la vie… C’est quelque chose qui sort de nous naturellement. La raison qui nous pousse à faire de la musique est la même qu’à nos débuts: nous voulons ressentir quelque chose. Ce qui nous fait réagir a probablement changé, mais l’état d’esprit dans lequel on glisse est le même."
Et puisque, le jour de l’entrevue, la chanteuse et bassiste semblait particulièrement disposée à éclaircir ce qui paraissait obscur et fuyant, on lui a demandé à quoi référait cette jolie chanson intitulée My Impure Hair, qui boucle 23. "Je sors pas mal, j’aime me coucher très tard la nuit. Parfois je rentre au petit matin et je me sens "impure". J’ai la chance d’être avec quelqu’un de très gentil qui, à mon retour, caresse doucement mes cheveux salis. Je lui en suis reconnaissante; ce n’est pas une chanson négative. Tu repousses tes limites, et au bout il y a ce feeling très tendre qui t’attend."
Le 12 mai
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