Jacky Terrasson : Un Américain à Paris
La musique de Jacky Terrasson témoigne d’un grand éclectisme. Il aime diversifier les pratiques. Le plus souvent homme de trio, il vient d’enregistrer son premier disque en solo.
Né à Berlin d’une mère française et d’un père afro-américain, Jacky Terrasson a grandi en France. En 1985, il s’inscrit au célèbre Berklee College of Music de Boston. Très vite, un contrebassiste originaire de Chicago l’amène dans la Ville des vents: "C’était la vraie école. Je jouais dans des clubs cinq soirs sur sept, puis les week-ends. Le répertoire était constitué de standards américains. J’accompagnais différents chanteurs, des crooners du type de Sinatra. C’était super!" En 1993, il participe au Thelonious Monk International Jazz Piano Competition et remporte le premier prix. En 1995, il enregistre pour Blue Note un premier album en trio avec Ugona Okegwo (contrebasse) et Leon Parker (batterie). Depuis ce moment, il est l’un des pianistes les plus en vue de la scène du jazz.
Se succéderont Rendez-vous (avec Cassandra Wilson) en 1997, Alive (1998), What It Is (1999), À Paris (2000), Kindred (2001) et Smile (2002). À Paris regroupe des chansons entendues par Terrasson durant sa jeunesse. Cela va de mélodies écrites par un grand compositeur comme Francis Poulenc à des incontournables de Brel ou de Barbara, puis à un standard exprimant le point de vue d’un Américain sur Paris (I Love Paris in the Springtime, de Cole Porter). Tantôt le pianiste fait ressortir la beauté mélodique du thème, tantôt il le déconstruit en le dépouillant de son côté trop romantique ou expressif. Il s’en sert comme matériau pour improviser. Ne me quitte pas et L’Aigle noir sont métamorphosées par le rythme: "Avant tout, je joue ce que j’aime. J’essaie d’être ouvert aux mélodies des autres cultures. Ici, je considère ces chansons comme nos standards à nous." Après avoir présenté ce répertoire pendant plus de quatre ans, Terrasson enregistre Smile en 2002. Nous y retrouvons le côté funk de What It Is: "J’ai eu l’impression de tourner la page. Je formais un nouveau trio avec Sean Smith (contrebasse) et Eric Harland (batterie). J’ai demandé à Rémi Vignolo de jouer de la basse électrique sur des ballades. Smile représente pour moi un moment libérateur."
Jacky Terrasson aura donc attendu près de six ans avant d’enregistrer un nouvel album, Mirror, sa première expérience de piano solo. L’expérience est exigeante. Les références comptent Monk, Evans, Jarrette, Ahmad Jamal, Andrew Hill. Le résultat est magistral et présente le pianiste en pleine maturité: connaissance profonde du blues, résonances rythmiques africaines, influences classiques, dépouillement à la Monk. Il comprend une magnifique relecture de l’hymne patriotique de Samuel A. Ward, America the Beautiful, reprenant du service au lendemain du 11 septembre 2001, ou encore du succès créé par Sinatra en 1940 Everything Happens to Me: "En studio, c’est pas évident. T’es tout nu. Comme partenaire, t’as juste ton nombril. Je ressens maintenant une grande délivrance."
En 2007, Jacky Terrasson se produira souvent en duo avec le souffleur Michel Portal: "Ce que j’adore avec Michel, c’est qu’il apporte tellement de choses à table. Ses instruments couvrent une telle palette de sons. Ça me donne des centaines d’idées." Vendredi, au Palais Montcalm, c’est en trio que nous pourrons entendre le pianiste, avec Doug Weiss (l’un des contrebassistes les plus demandés de la scène new-yorkaise) et Al Foster (à la batterie).
Le 4 mai à 20h
Au Palais Montcalm
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