Festival International de Louisiane : La danse de l’écrevisse
Invité au Festival International de Louisiane, Voir a joué au touriste, en plus d’être reçu chez Zachary Richard en compagnie de Francis Cabrel.
L’histoire d’amour entre la Louisiane et le Festival International de Jazz de Montréal dure depuis 1998. Chaque année, le plus français des États américains affiche ses couleurs aux abords de l’esplanade de la Place des Arts de la fin juin au début juillet. Encore cette année, un comptoir de nourriture cajun y sera installé et quelques artistes louisianais, dont Harry Connick Jr. et Zachary Richard, fouleront les planches de la 28e édition du Festival. Pour le FIJM, dont le nom apparaît dans le Livre des records Guinness en tant que Largest Jazz Fest depuis 2004, c’est un joli coup de pouce reçu par le berceau même de la musique jazz.
Or, à l’automne 2005, lorsque l’ouragan Katrina a dévasté la Louisiane, inondant une partie de La Nouvelle-Orléans, il était fort important pour Alain Simard, président du FIJM, d’aider son partenaire. De lui renvoyer l’ascenseur.
LENT RETOUR À LA NORMALE
Ainsi, en partenariat avec l’Office du tourisme louisianais, le Festival de Jazz organise, depuis deux ans, un périple où des journalistes québécois sont conviés à se rendre dans le Sud des États-Unis. Le but: écrire quelques papiers qui convaincraient les touristes d’ici de planifier leurs vacances en Louisiane. L’an dernier, La Nouvelle-Orléans était au programme. Cette fois, nous visitions Baton Rouge et Lafayette, deux villes épargnées physiquement par Katrina, mais touchées par la baisse du nombre de touristes qui affecte l’économie de l’État. Avant Katrina, le tourisme avait des retombés économiques de 10 milliards de dollars pour la Louisiane. Selon les experts, elle pourrait ne revenir à ces chiffres que vers 2010.
Pour la magnifique plantation d’Oak Alley, où une allée d’énormes chênes plantés dans les années 1700 précède une maison historique servant de lieu de tournage pour plusieurs productions hollywoodiennes, cette baisse se traduit par un achalandage inférieur d’environ 75 %. Plus de 700 personnes visitaient le domaine chaque jour avant Katrina. L’an dernier, elles n’étaient que 100 par jour, 200 cette année. Des exemples comme celui-ci, nous en avons entendu des dizaines, dont celui du Rural Life Museum, musée dans une situation financière précaire, situé près de Baton Rouge, où est préservé le décor d’une plantation de canne à sucre datant du 19e.
QUAND LA FRANCE RENCONTRE LA LOUISIANE
Si la Louisiane commandite le FIJM, le Québec appuie à son tour le Festival International de Louisiane qui se tient chaque année à Lafayette à la fin avril. Angélique Kidjo, Vieux Farka Touré et Salif Keita y participaient cette année, mais le concert donné le dimanche 29 avril par Francis Cabrel et Zachary Richard nous intéressait davantage, dans la mesure où les deux musiciens remettront ça ici lors du Festival de Jazz, le vendredi 6 juillet à la Salle Wilfrid-Pelletier.
Cabrel, pour qui cette prestation était sa troisième à vie en Louisiane, a joué sûr, y allant de classiques comme La Fille qui m’accompagne, Petite Marie, Je l’aime à mourir, Encore et encore, C’est écrit, Sarbacane. Une liste de chansons qu’il devrait répéter à Montréal puisque le chanteur lance chez nous un album-compilation "30 ans de carrière" le 5 juin. Il a ainsi prouvé que son répertoire comportait assez de pièces aux racines blues et aux influences folk américaines pour conquérir les Louisianais. Pas surprenant que son pote Zachary lui donne un coup de pouce en le présentant aux habitants du coin. Cabrel lui rendra d’ailleurs la pareille en France, où les deux avaient déjà organisé un spectacle-bénéfice pour aider la Louisiane à se remettre de Katrina en novembre 2006. De cette collaboration est aussi née La Promesse cassée, une pièce enregistrée pour le dernier album de Zachary, et dont les droits d’auteur contribuent au soutien des musiciens de La Nouvelle-Orléans.
Après une heure de classiques signés Francis Cabrel, Zachary est monté sur scène pour interpréter les chansons de son récent disque, Lumière dans le noir, dont la poignante Dans mon rêve et La Promesse cassée en duo avec Cabrel. En comptant Travailler, c’est trop dur jouée en fin de parcours, ce furent les deux seules véritables collaborations des deux chanteurs sur scène. Seront-elles plus nombreuses en juillet? À voir l’ambiance qui régnait chez Zachary à la fin du voyage, lors d’un souper où journalistes, Cabrel et son équipe étaient conviés, nous n’en serions pas étonnés.
Déstabilisé par une telle invitation, notre petit groupe de journalistes ne savait pas trop à quoi s’attendre. Zachary Richard semble calme, posé et sympathique lorsqu’on l’aperçoit à la télévision, mais ce n’est pas un gars très "people". Jamais nous ne l’avons vu inviter les gens de 7 Jours à photographier sa maison, sa femme ou ses chats. Pour ce qui est de Cabrel, deux millions de Québécois connaissent maintenant sa réputation de "gars pas facile à interviewer" depuis que le sujet fut abordé sur le plateau de Tout le monde en parle. Or, Zachary et sa femme ont organisé une sorte d’épluchette de blé d’Inde louisianaise où, spécialité locale oblige, le blé d’Inde était remplacé par des écrevisses bouillies. Debout autour de la table sur les terres du Cajun, tous devaient se saloper les mains afin d’écailler la bestiole marine. Comme moyen de tuer toute forme de décorum, on a rarement vu mieux. Décidément, l’hospitalité n’est pas un secret en Louisiane. Même Francis Cabrel y est devenu très généreux, nous accordant une entrevue sans jamais paraître mal à l’aise ou égocentrique. Était-il prévenu de sa réputation au Québec?