Pépé : Bien saignant
Musique

Pépé : Bien saignant

Pépé se donne à 100 % dans une galette sonore crue et rock.

Selon l’auteur, 100% boeuf, c’est protéiné et consistant. Malgré la tranche de steak, le filet mignon y est inclus, le contre-filet aussi, et même la palette. C’est à table, devant notre plat à base de boeuf, indomptables carnivores que nous sommes, que notre discussion prend forme. Pour son troisième album, Pépé a le sentiment du travail accompli, lui qui s’est donné les moyens et les conditions appropriées pour donner suite à ses idées. La guitare acoustique prend le bord à maintes reprises pour faire place à son orchestre, principalement composé de Sylvain Savard à la basse et de Simon Pelletier-Gilbert à la batterie. Botte-toi l’cul et Poney, qui ouvrent l’album, en témoignent. "C’est vrai, je pousse ça un peu plus, avoue-t-il. En band, ça transporte une énergie, et le contact entre nous est vraiment stimulant. J’ai fait pas mal de spectacles en solo, et c’est totalement différent. On se retrouve dans des conditions où il faut interpeller le monde, aller les chercher, soit par la musique, soit par des paroles percutantes. Petit à petit, on est avec eux en train de faire le party. En band, le party est déjà là, entre nous, et les gens sont obligés d’en faire partie. Ça impose pas mal plus!"

Pépé est à vif et livre aussi un exercice de style, lui qui assume ses influences, ancrées dans les années 60 et 70. On entend les Beach Boys, les Ramones et parfois les Yardbirds. "Ceux-là, je les connais un peu moins, admet-il. Je ne peux pas faire abstraction de ce que j’aime. Le rock ne peut pas être réinventé. C’est impossible de s’obstiner sur l’originalité. Moi, c’est les Beatles, c’est Chuck Berry, Elvis et les Rolling Stones. Ça ne me gêne pas d’assumer ça. Quand je copie les Beach Boys et Barbara-Ann sur Bobette Bob, c’est correct. Je ne pouvais pas faire autrement. Pendant l’enregistrement, je l’entendais dans ma tête. De toute façon, je ne suis pas Brian Wilson! Si tu prends Un café, un bat, c’est du Johnny Cash. Le petit riff rockabilly à la guitare, assez entraînant. J’en ai écouté tout l’été, c’est normal que j’intègre mes influences dans ce que je fais, sinon je n’aurais pas de plaisir. Je fais ce que j’aime et je tripe encore sur les Beatles parce que j’aime l’esprit qu’on retrouve là-dedans." Elvis est dans ses tripes, pour rester dans la charcuterie, et le punk dans son esprit, lui qui a été le chanteur des Flying Vomit, irréductible groupe punk de Québec, dans les années 90.

La signature musicale est spontanée et les textes conservent aussi le mordant et l’humour qui le distinguent. Sa musique en est investie et on s’interroge sur ce que les gens reconnaissent en lui: l’auteur ou le personnage? "Comment je pourrais te dire ça… Dans la vie, j’aime ça lâcher mon fou et être hystérique, constate-t-il. La scène me permet de le faire et ça fait du bien! Je suis calme aussi. J’ai mes moments ben tranquilles. Pépé, c’est moi. C’est les deux côtés. De toute manière, les étiquettes sont inévitables, mais j’avoue que je n’ai jamais pensé à ça. Ce qui m’importe, c’est que le monde ait autant de fun que moi et passe du bon temps lors du spectacle ou en écoutant l’album. C’est une thérapie. Vingt tounes pis c’est fini."

Il attaque, se questionne et s’attarde aux petits riens de la vie qui parfois font toute la différence. S’il est autocritique par moments, pas question pour lui de s’emmerder avec les tabous. "Je ne m’impose pas de barrières, tranche-t-il. Je ne veux pas être gratuit dans mes textes non plus. C’est de réussir à être on the edge. Je vois souvent l’image d’un char qui monte une côte vraiment à pic. C’est limite, c’est juste, la voiture fait encore un bout, mais elle ne renverse jamais. Il y en a qui prennent les textes au premier degré… Si c’est ce qu’ils veulent, ça ne me dérange pas. Par exemple, avec la chanson Alcool, le monde embarque! Ils viennent me voir après le spectacle pour me dire que c’est cool de pousser le monde à se saouler… J’ai le goût de leur dire que c’est justement parce que les gens ne savent pas boire que je l’ai écrite!"

"Qui voudrait être plus mûr / Ça viendra dans le futur / J’ferai de la bonne confiture / Mais j’garderai mon goût nature." Un brin de lucidité extrait de La Censure qui porte à saisir un peu plus l’artiste. Au gré de la conversation, la cible de cette entrevue se prête à réfléchir tout haut comme dans sa musique. "J’aime ça entretenir l’idée que je suis encore ignorant, constate-t-il, que je ne sais rien. Se résoudre à ça, ce n’est pas toujours le fun, mais c’est quand même vrai! On a toujours quelque chose de plus à savoir et n’importe quelle connaissance nous amène au fait qu’on ne sait rien. Je ne veux pas avoir l’air du gars qui se complaît là-dedans, comme celui qui en sait plus. Je suis comme tout le monde pis je me cherche."

Le 19 mai
Au National
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