Guillaume Thibert : Volte-face
Pour Guillaume Thibert, il y eut d’abord un projet, puis une scène s’est ouverte. Et entre les deux, tout un monde de contraintes et de découvertes. Rendez-vous au Festival des musiques de création.
Le projet de Guillaume Thibert, intitulé Face-à-face, a pris un détour tout à fait inattendu lorsqu’il a été envisageable de le présenter au Festival des musiques de création. "À la base, explique-t-il, c’était un projet de studio, pas un projet de scène. C’était plus un travail de composition. Je fais moins de scène, d’habitude. Et en studio, je me concentre sur des choses qui ne peuvent pas nécessairement être rendues sur scène."
Cette volte-face, changement d’optique drastique s’il en est un, l’aura donc confronté entre autres aux limites physiques des musiciens et des instruments, ces obstacles qu’il n’avait jamais eu à enjamber dans l’univers clos et contrôlé de son studio. Comme à l’impossible nul n’est tenu, même lorsqu’on parle de création, c’est le projet qui a dû s’adapter dans ce face-à-face avec la réalité.
"Le but du projet, c’était de me rapprocher principalement des instrumentistes, des instruments acoustiques, parce que je travaille beaucoup par ordinateur. Et je voulais intégrer les solistes au processus de création. Mon idée, c’était de les intégrer pendant la composition en leur proposant des structures relativement souples – pas des partitions écrites – et voir ce qu’ils peuvent y ajouter. À partir de ça, j’ai fait des enregistrements de référence et j’ai retravaillé toutes mes pièces. Mon but c’était vraiment d’aller chercher l’expérience de tout le monde, leurs points forts, leur intérêt, tout en les guidant dans ce que je veux, que ça rentre dans mes plans."
Du monde, il a su s’en entourer. Dans les premières étapes du processus de création, il a rencontré tour à tour plusieurs solistes – Robert Pelletier (percussionniste), Jean-Pierre Bouchard (guitariste), Luc Lévesque (bassiste, contrebassiste), Bruno Chabot (altiste) – ainsi que différents autres collaborateurs. "J’ai travaillé beaucoup avec chaque soliste individuellement, 15 à 20 heures chacun, à explorer certaines choses, à tout décortiquer. […] J’ai aussi travaillé avec André Papathomas, un directeur de choeur contemporain de Montréal. On a travaillé en studio avec un choeur mixte de 12 personnes – sopranos, altos, ténors, basses. On a fait une répétition et une session d’enregistrement de trois heures." Le fruit des captations de ce travail vocal deviendra l’instrument de Pascal Beaulieu, l’un des 11 musiciens que dirigera Guillaume Thibert lors du spectacle. Beaulieu jouera ainsi de ces choeurs à l’aide d’un échantillonneur selon une partition créée par le jeune compositeur. La présence virtuelle du choeur pourra donc être complexifiée, apportant beaucoup au caractère ambiant des créations de Thibert qui voguent entre le new age actuel et le jazz.
Un spectacle d’une telle envergure et la complexité du projet en lui-même ne permettent que six répétitions en formation complète avant la date ultime du spectacle. Une attention très particulière sera alors apportée à la qualité du son, car il faut donner à chaque instrument la place qui lui revient. "D’où l’importance d’avoir un technicien de son avec moi pendant les répétitions. Il va connaître les pièces. Parce que parfois, les cordes ne jouent vraiment pas fort, alors il faut leur donner plus de place".
Pendant les 50 minutes que devrait durer le spectacle, nous entendrons trois morceaux, des tableaux musicaux qui chercheront à faire voir du paysage, à susciter des émotions. "Le but avec tout ça c’est de faire de la musique imagée, narrative, qui est souvent encadrée par des thèmes. Je veux guider les gens. J’ai une pièce qui est sur le froid. J’ai utilisé des tensions qui rappellent le froid, les frissons, des choses comme ça. C’est par rapport à ces objectifs-là que j’essaie de diriger les musiciens. Par exemple, j’essaie de faire faire des espèces de coups de vent aux violons…"
Cette façon qu’il a d’envisager la musique résulte sans doute de son désir de produire de la musique de film, de théâtre, de danse et de jeux vidéo. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il aménageait entre les murs des ateliers ToutTout son propre studio d’enregistrement, aidé en cela de son père, le sculpteur Ronald Thibert. Cette proximité avec des créateurs de toutes les disciplines lui a permis de développer un réseau de contacts enviable, l’amenant à travailler maintes fois avec des artistes pour des oeuvres Web, des films et différents autres projets. On se souviendra entre autres de sa collaboration avec Guy Blackburn pour son oeuvre-autobus, réalisée dans le cadre du projet Les Convertibles lors de la 10e édition des Journées de la culture, dont il avait produit l’ambiance sonore. "Mon but n’est pas commercial. Je ne veux pas enregistrer des démos de chanteuses pour Star Académie… J’essaie surtout de travailler avec des artistes sur des projets qui m’intéressent." Une passion qui ne saurait lui faire défaut, et qui trouvera sans doute son écho pendant le Festival des musiques de création.
Dans le cadre du festival des musiques de création
Le 25 mai
À la salle Pierrette-Gaudreault
À voir si vous aimez
la musique de film,
les ambiances sonores planantes