Karen Young : Perpétuel renouvellement
Musique

Karen Young : Perpétuel renouvellement

Karen Young offre sur son dernier album un hommage bien senti aux compositeurs de l’Ars Nova du XIVe siècle. Une mise à jour très réussie.

Les fans de Karen Young pourraient avoir une surprise en découvrant le nouvel album double qu’elle vient tout juste de faire paraître, mais c’en sera une bonne. Si, bien entendu, la chanteuse est surtout connue pour son talent pour le jazz, elle n’est pas du genre à se confiner à un seul style, comme elle le prouvait en se joignant aux musiciens de la Société de musique contemporaine du Québec en 2006, par exemple. C’est aussi pour cette raison qu’au début des années 80, la chanteuse fouillait les rayons de la bibliothèque de musique de l’Université McGill: "J’y allais une fois par semaine pour écouter des disques et copier des partitions. J’avais commencé à chanter avec le Studio de musique ancienne de Montréal et nous faisions beaucoup de musique de la Renaissance, que j’adorais, alors je voulais mieux la connaître."

Cet amour de la musique de la Renaissance et de la musique médiévale s’est manifesté une première fois en 2000 sur le disque Canticum canticorum, par des arrangements qui incorporaient le chant grégorien, mais en fusion avec une bonne dose de jazz: "Le violoniste Helmut Lipsky y était pour beaucoup, explique Karen Young, et mes arrangements vocaux étaient aussi assez jazzés. Mais je trouve qu’il y a plus de jazz dans mon dernier album, même si ce sont des oeuvres de musique ancienne."

On trouve sur cet album des oeuvres italiennes (disque 1) et françaises (disque 2) du XIVe siècle, le disque français étant tout entier consacré au maître de l’Ars Nova Guillaume de Machaut (1300-1377). Et… c’est jazz? "Pour moi, Guillaume de Machaut est le premier jazzman! Brubeck a aussi déjà dit qu’il considérait ça comme du jazz médiéval. Les musiciens de jazz que je connais aiment ça et, au lancement du disque, deux spécialistes de musique ancienne m’ont dit avoir beaucoup aimé, alors je pense que, peut-être, les puristes y trouveront à redire, mais dans l’ensemble, je suis très heureuse de la réception. Moi, je ne suis ni puriste, ni musicologue, mais j’ai un véritable amour pour cette musique."

La "chanteuse de jazz" est appuyée sur ce disque magnifiquement réalisé par six autres voix (généralement dans des arrangements à quatre), mais aussi par le contrebassiste Éric Auclair et le percussionniste Pierre Tanguay, qui prouve une fois de plus ici son extrême polyvalence et sa capacité de remplir l’espace avec le timbre et la retenue appropriés. Le guitariste Sylvain Provost, que l’on verra dans un nouveau trio axé sur les standards avec Karen Young, ajoute aussi sa touche sur deux pièces (on en aurait pris d’autres!). "J’ai aussi un projet avec Jean Derome qui veut faire un hommage à Steve Lacy, qui avait écrit des chansons en français pour son épouse. Et après ce travail sur la voix en petit groupe, je veux maintenant écrire pour des chorales!" Avant qu’elle ne change encore de style, il ne faut pas manquer le concert de ce vendredi, présentant les oeuvres de son dernier opus.

Le 18 mai
À la Chapelle historique du Bon-Pasteur
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À voir/écouter si vous aimez
La musique vocale
La musique ancienne
Guillaume de Machaut

Bio

Chanteuse du Bug Alley Band dans les années 70 (élu Groupe vocal jazz de l’année en 1980 par Downbeat).
Trois albums en duo avec Michel Donato (1985, 1988, 1990). Le deuxième, Contredanse, reçoit le Félix de l’Album jazz de l’année.
Au début des années 90, elle fonde sa propre étiquette, Ursh, et y lance son premier disque solo en 1992; on y trouve entre autres Chaude était la nuit et Lucky, lucky de Richard Desjardins (un premier disque solo était paru en 1981 chez Radio-Canada International). Âme, corps et désir est le 8e disque qu’elle lance sous étiquette Ursh.
Par la suite: théâtre (création de Marianne Ackerman), musiques de films, retrouvailles avec Donato en 1996 (The Second Time Around), et beaucoup de concerts!