Les Goules : Au crépuscule, Les Goules
Musique

Les Goules : Au crépuscule, Les Goules

Les Goules sortent de l’ombre avec un troisième album intitulé Les Animaux. Discussion avec deux goules qui, pour le bien de cet exercice, s’appliquent à prendre un peu de distance pour mieux observer leurs créatures.

Après deux disques assez éclectiques (Les Goules et Memories) intégrant la citation musicale avec une dynamique frôlant l’absurde dans une ambiance surréaliste, Les Goules en remettent avec Les Animaux qui, en marge de leurs précédentes réalisations, ne tarde pas à se démarquer par un son plus lourd et direct. Keith Kouna, le maître de cérémonie à la voix grinçante et à la plume colorée, admet que le caractère du disque s’est imposé de lui-même avec des compositions élaborées en vitesse dans des circonstances précipitées. "C’est beaucoup plus métal et mélancolique aussi. Je peux écrire trois ou quatre textes complètement différents pour la même toune. L’idéal serait peut-être que j’en fasse juste un, mais ce n’est pas le cas. J’aime ça que les mots soient musicaux, c’est pour ça que je ne suis jamais arrivé avec un texte fini et complété en face des gars, sur lequel on pourrait faire la musique. Au contraire, le choix des mots et le choix des images va avec ce qui se dégage musicalement. J’attends que toute la musique soit faite pour trouver des paroles. Dans ce cas-ci, la musique est plus lourde. Elle est plus élaborée aussi, avec pas mal de changement de beat. C’était beaucoup de travail en très peu de temps." La démarche des Goules se dispense de tout impératif secondaire et s’applique avec spontanéité. Presque un accident de parcours à leur début, il y a sept ans, les spectacles se sont enchaînés et, pour une fois, les membres du groupe se sont imposés un ultimatum en désirant sortir l’album au printemps, question de pouvoir profiter d’un été qui sera sans doute bien rempli pour la troupe nocturne. "La seule limite qu’on avait c’était le temps", explique Klaudre Chubeda, le bassiste de la formation et qui incarne sur scène la bonniche aguichante aux cheveux platine, dont les attributs ne laissent pas indifférents. "On l’a enregistré très rapidement, mais on avait commencé en retard. Pas mal toutes les idées se trouvent en jammant. C’est Keith et Ken Pavel, notre guitar hero, qui commencent à monter les chansons et nous, on s’y greffe par la suite. Dès que l’on tombe sur quelque chose d’intéressant en pratique, on rit et ça prouve probablement que c’est cliché ou peut-être l’inverse. À ce moment-là, pour nous, c’est bon signe. On s’amuse et on a le feeling d’être sur une bonne piste. Comme le petit boutte rock ‘n’ roll dans la pièce Mouture qui se mélange avec du grind, c’est cliché à mort!"

AINSI VA LA VIE

Le résultat est surprenant et le sentiment d’urgence est omniprésent. Impossible de rester neutre devant un tel exercice de styles qui pourrait être périlleux pour d’autres. La troupe de cinq musiciens, à laquelle se rajoute Rabin Kramaslabovitch (clavier) et Igor Wellow (batterie), a fondé le groupe pour le plaisir de s’adonner à un exercice scénique hors-normes sans pour autant s’attarder à réfléchir sur l’évolution d’une telle entreprise. "Il n’y avait pas de culture établie à nos débuts, indique Klaudre Chubeda (en civil pour cet entretien), c’était pour le fun. On planifiait quand même les shows un peu d’avance mais on ne pensait jamais faire un album. Comme en ce moment, avec le troisième que l’on vient juste de terminer, on ne pense pas à une suite, ça se fait au jour le jour." "On n’a pas de plan de carrière, rajoute Keith Kouna, on n’en a jamais eu. On ne s’est jamais dit: on va faire trois albums indépendants! Pour le premier disque, on n’avait même pas pensé le distribuer. On a fait un disque parce qu’on avait assez de matériel pour en faire un. C’est le Voir qui a fait la première critique [une initiative de notre très sérieux rédacteur en chef David Desjardins], on ne l’avait jamais envoyé à aucun média. C’est après que nous l’avons envoyé à CHYZ et à CISM à Montréal et ils ont embarqué à fond. Et puis… Ah! Tiens, un distributeur!" Une attitude indépendante qui conserve son côté irrévérencieux pour le plus grand plaisir des inconditionnels du groupe. Les derniers spectacles des Goules nous l’ont confirmé, il y a un public fidèle qui se déplace aux cérémonies goulesques que nous offre la troupe de Québec, rassemblant par la même occasion tant les punks que les intellos dans un même lieu. "On peut être sombre mais vivant, précise Keith Kouna. On est super vivants sur scène! On a une hargne, une ardeur, une agressivité et les gens se défoulent. Ça fait en sorte que ce que l’on raconte, même si c’est pessimiste et sombre, les gens le comprennent tout en s’amusant avec nous. C’est un paradoxe. Si on était déprimants sur scène… le monde ne serait pas là."

SHOW TIME

La mise en scène des Goules se remarque. Affublés de leurs costumes, les membres du groupe plongent, lorsque les conditions scéniques le permettent, dans une ambiance éclatée où figurants et chorale se greffent à la troupe dans une fiesta burlesque. Une forme de cabaret métal en délire. "Avec Les Goules, il y a le mot spectacle, souligne le chanteur. Quand on fait un show, il faut que ce soit un spectacle, c’est visuel. Moi, j’ai trippé toute ma jeunesse à aller voir des shows métal au Colisée, je trippais quand il y avait des danseuses, des explosions. Gwar, c’est excellent! Je veux que le monde sorte de là et qu’il se dise: Putain! J’ai vécu quelque chose." Pourtant, l’idée d’élaborer des personnages est survenue de manière tout à fait accidentelle. "Juste avant un show, j’avais des costumes dans le coffre de mon char, enchaîne-t-il. Je donnais des cours de théâtre à des jeunes à l’époque, le coffre était rempli et on a pigé dedans juste avant de monter sur le stage. C’est un mélange d’accident, de hasard et de destin." Chaque alter ego s’est défini avec la même rigueur, sans thématique prescrite, tout simplement par concours de circonstance. Klaudre Chudeba cite comme exemple Rabin Kramaslabovitch: "Il porte son nom parce qu’il lisait la bible dans un gant de baseball, alors on a conclu qu’il s’appelait Rabin. Il n’y a pas vraiment de thématique. Il y a une fois, par contre, où le groupe avait décidé d’un concept. On devait s’habiller avec du rouge et du noir. Je suis arrivé avec une robe verte, je pense. Je me suis fait regarder un peu de travers…"

Le 23 mai à 21h
Au Dagobert
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