Plastikman : Capitaine Canada
Musique

Plastikman : Capitaine Canada

Vingt-deux minutes au bout du cellulaire suffisent à Richie Hawtin pour téléverser l’état actuel des choses le concernant. Brillant Berlinois depuis son déménagement de sa natale Windsor, le DJ businessman demeure indubitablement l’artiste techno le plus respecté de sa planète.

Pour près d’un millier de danseurs cultivés, le 29 mai à minuit chez Dagobert aura lieu bien plus que la banale sortie d’un autre film de Spiderman comme plus tôt ce mois-ci. C’est qu’un vrai super héros, Richie Hawtin, alias Plastikman alias Fuse alias Circuit Breaker alias bien d’autres noms d’artistes encore, se dirige vers Québec un improbable mardi pour une toute première fois dans les annales de la ville. L’homme-plastique a du toupet. En tout début de conversation, il demande de rappeler dans une dizaine, prétextant une anicroche dans le déroulement de sa journée. Comment refuser, sachant que le meilleur des meilleurs promet même une meilleure ligne avec toute la politesse du monde. Juste le temps, donc, de tracer rapidement son portrait.

Fondateur de labels fondamentaux comme Minus et Plus 8, le trentenaire Richie Hawtin, potentat incontesté de la techno dite minimale, surfe toujours sur la vague déferlée par sa participation aux Olympiques de Turin l’an dernier, à titre de compositeur de la musique de la cérémonie d’ouverture. Un spectacle élaboré avec le chorégraphe italien Enzo Cosimi, regardé à la télévision par près de deux milliards de personnes. Aussi, Hawtin revendique plusieurs dizaines de parutions empreintes d’une délicatesse touchante. On lui attribue également le statut de bête de console, de Berlin à Ibiza en passant par Montréal, une ville qu’il adore, avec pour témoin son affection envers le festival Mutek, qu’il parraine presque.

Le téléphone sonne à nouveau, c’est un indicatif régional d’outre-Atlantique, pas une minute à perdre alors. Que doit-on prévoir pour ce concert chez Dagobert, la discothèque de Québec au système de son extraordinaire? "Ce que je peux dire d’excitant par rapport à ma venue chez vous, c’est que nous faisons enfin cette semaine des modifications sur mon équipement, en ajoutant plusieurs possibilités d’effets sonores, ce qui veut dire que ceux qui seront présents ce soir-là entendront quelque chose de complètement différent de ce que j’ai pu faire au cours des deux dernières années…" Pour votre info perso, Hawtin se déplace avec deux ordinateurs portables bien remplis de fichiers de toutes sortes en guise de sources, et la console Allen & Heath qui lui servira de cockpit a été "designée" spécialement pour et par lui. Plasticages avec éclats à prévoir.

Passé l’an dernier de la 21e à la 33e place du palmarès des disc-jockeys, Richie Hawtin s’en fout effrontément, sans se foutre du monde entier pour autant. "C’est toujours chouette de me retrouver année après année parmi d’autres disc-jockeys avec qui je ne partage pas beaucoup musicalement…" Et il ajoute, après qu’on lui a avoué candidement avoir toujours voté pour lui et depuis longtemps dans ce genre de concours de popularité Internet que sont le top 100 de DJ Mag et The DJ List: "C’est très touchant de savoir que tant de gens te considèrent au moment de désigner leur disc-jockey préféré, mais il m’arrive souvent de faire remarquer à ceux qui m’en parlent que la plupart des disc-jockeys qui performent dans ce genre de concours de popularité ne passent jamais par exemple en Allemagne, ou même aux États-Unis et au Canada, ce qui fait franchement douter du concept de "Best DJ in the World"…" En effet, véritable hérésie pour les chevaliers de la table tournante, on ne trouve aucun disque-jongleur hip-hop dans ce genre de palmarès. Et même, point de salut dans le top 30 sans saucer dans la trance ou, plus rarement, la house. Sauf pour Hawtin, évidemment.

Une porte s’ouvre alors. Comment fait-il pour résister à la tentation de sombrer du côté obscur de la musique? Celui qui presse plus de sous que de sons. Est-ce que Madonna et Céline Dion lui téléphonent parfois pour un remix? Sa réponse rieuse vaut mieux que l’idiote idée de lui avoir posé la question: "Je ne rêve absolument pas d’être connu davantage, de devenir célèbre et qu’on voie ma tronche partout… Je répète souvent que je suis heureux dans ce que je fais, ce qui ne veut pas dire que je me ferme des portes, on ne sait jamais ce que la vie nous réserve et je lui fais confiance…"

Justement. Les paris sont ouverts depuis longtemps déjà sur l’idée de l’entendre collaborer à la bande sonore d’un film, tant les disques qu’il propose, pour la plupart instrumentaux, sont cinématographiquement viables. Voici de quoi rêve le plasturgiste: "Le cinéma? Pourquoi pas… Mais avec carte blanche! Pas juste une bande sonore de film après s’être tapé les directives d’un réalisateur qui ne m’engagerait que pour se servir de mon nom dans la promo de sa production… Ce dont je rêve, c’est de travailler en étroite collaboration avec une équipe qui m’aurait appelé pour ma musique et rien d’autre, avec laquelle je deviendrais une partie intégrante du processus de création d’un film au scénario me plaisant d’abord et avant tout." Peu probable ainsi que Hawtin alias Plastikman signe un jour la B.O.F. d’une suite douteuse hollywoodienne comme tant d’autres compositeurs en manque de visibilité ou de liquidités.

On dit parfois que contrairement aux sciences, dans le domaine des arts, jamais il n’y a de progression. Qu’il n’y a que de grands moments. Ainsi, qu’en est-il de l’idée d’un nouvel album avant la fin de l’année, un avènement logique selon son biorythme? Le plasticien du son ne semble lui-même pas trop pressé de se commettre sur galette avant la fin de l’année. À mots couverts, il simplifie sa réponse: "Oui, peut-être un album avant Noël, j’ai plein de trucs qui méritent d’être entendus, mais rien n’est réglé. Aucune urgence de mon côté quant à l’idée de lancer un album, donc c’est peu probable, mais pas impossible." Gageons 2009.

Le 29 mai en compagnie de Magda et StMichel
Chez Dagobert
Voir calendrier Électronica