Keren Ann : Femme libérée
La fragile Keren Ann vient présenter ses chansons en formule trio. Attention, climat feutré!
Frêle, Keren Ann, il suffit de l’écouter susurrer ses chansons: un filet de voix, certes, mais enjôleur. Voyageuse, la jeune femme est toujours entre deux continents. Europe, Amérique, Proche-Orient. Puis elle recommence. On l’a rejointe par téléphone en Israël, de passage pour son concert du lendemain à Tel Aviv. "C’est mon pays de naissance. Je vais dans un petit lieu d’agriculture, où je me retrouve pour me ressourcer. Et sinon, en Amérique, mon port d’attache, c’est New York."
Son précédent disque, le quatrième, s’appelait justement Nolita, en hommage à un quartier new-yorkais. La moitié des chansons était en anglais, et l’autre en français, comme si elle hésitait encore sur la langue à adopter. Pour son nouveau bébé, éponyme, c’est tout dans la langue de Suzanne Vega. "Le nouvel album, je l’ai écrit principalement en voyage, pendant la tournée et après. J’ai l’occasion de travailler sur plusieurs projets, en même temps, dans le monde."
Keren Ann est le modèle même de la femme libérée cosmopolite. Pourtant, avec le succès qu’elle a eu en composant (avec Benjamin Biolay) la majeure partie de Chambre avec vue d’Henri Salvador, la demoiselle aurait pu se contenter de faire fructifier sa notoriété en France. Ce serait mal connaître la voyageuse, toujours assoiffée d’ailleurs. "La chanson française que j’aime, ce n’est pas la scène actuelle, à part les Rita Mitsouko et Étienne Daho. Je suis une fan de Gainsbourg, Bourvil, Ferré, Françoise Hardy. Je ne sens pas que j’appartiens à la génération française du moment. Mon école et mon expérience musicale ont plutôt été liées aux songwriters américains: Dylan, Springsteen, Billie Holiday."
Elle revient sur le malentendu lié au succès de Jardin d’hiver: "L’album que j’ai écrit pour Salvador, c’était davantage brésilien que français. Mes deux premiers disques étaient bien en français, mais ce n’était pas vraiment de la chanson française. C’était une écriture et une production plus anglo-saxonnes, celles qui m’inspirent le plus. Comme les artistes français que j’ai aimés: ils cherchaient à aller plus loin. Je n’ai jamais été satisfaite des arrangements qui s’arrêtaient au piano/voix ou guitare/voix. Ça m’ennuyait toujours, et ça m’ennuie encore aujourd’hui."
Si les disques de Keren Ann sont des merveilles de production à l’anglaise, avec une riche instrumentation, sur scène, elle dépouille un peu. Difficile de mettre une chorale dans ses bagages. Pour sa nouvelle tournée qui passe par Montréal, elle a choisi la formule trio. La trompette s’allie à merveille avec la guitare de la chanteuse. Ça donne une puissance inouïe, une alchimie grandiose entre la fragilité vocale et le lyrisme musical. "Je décide le répertoire le jour même", confie-t-elle. Ce qui laisse rêveur. Et augure du meilleur pour son retour.
Le 5 juin
Au National
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