Patrick Bruel : Au temps qu’on emporte devant
Patrick Bruel oscille entre son penchant pour la nostalgie et l’envie de regarder devant malgré tout.
Dix heures. Dans le restaurant de l’hôtel où il est descendu, Patrick Bruel ne passe pas inaperçu. Rapidement, des couples en goguette s’approchent de sa table, présentent et prodiguent respects et admiration, sans oublier de réclamer quelques autographes que la star signe sans jamais se départir de cet éternel sourire de gamin.
Ce rapport familier avec ses admirateurs est à l’image de ce garçon de 48 ans, né Patrick Benguigui, longtemps penché sur son passé, qui a fondé une très large partie de son répertoire sur le regret de l’implacable écoulement du temps.
Maintenant, après "Place des grands hommes" et autres ballades de bacheliers, Bruel remonte plus loin, jusque vers l’enfance sur Des souvenirs devant, 12e album dont il va bientôt présenter l’essentiel sur scène, ici. "Tous mes album sont des autobiographies. Les souvenirs, la mémoire, le temps, je me suis construit là-dessus. Mais si celui-ci parle beaucoup de mon enfance, c’est que désormais les seuls souvenirs que je veux m’autoriser sont ceux que je vais vivre avec mes enfants".
Cet acharnement initial à graver la mémoire des moments perdus dépendait-il d’un manque? Est-ce pour apaiser cette blessure qu’il remonte maintenant en enfance? "Intéressant, je n’ai jamais fait le lien entre la nostalgie et l’absence… J’ai eu une enfance somme toute heureuse, j’étais très entouré par ma mère, mes frères et soeurs…Mais mon père est parti quand j’avais un an. Peut-être que pendant ce temps-là, l’inconscient travaillait…" La nostalgie était-elle alors simplement une émotion rassembleuse et peut-être même, après l’immense succès de ses premières chansons, un sentiment très "vendeur"? "Certainement pas! Parce que, justement, ce qui marche avec moi, c’est l’originalité de mon sentiment profond", répond-il sans s’offenser d’être soupçonné de calculs professionnels.
Au cours de la conversation, Patrick Bruel va sortir de son portefeuille trois photos de ses enfants, Oscar et Theo. Outre sa fierté flagrante, réfléchir à sa pérennité, c’est aussi, sur ce disque, s’expliquer à ses enfants dans une sorte de bilan passager: "Pourquoi cette course effrénée? Pourquoi la paternité, qui devait m’apaiser totalement, ne m’a apaisé que partiellement? Peut-être que j’essaie d’attraper de l’eau et de la garder dans la main…"
Le commentaire ramène au vertigineux: Bruel a trois métiers: chanteur consacré, (il détient le record de vente de "chanson française" avec Entre deux); acteur aux 25 films (il est de la distribution du dernier Chabrol et du prochain Miller); champion mondial de poker, passe-temps où il a empoché plus d’ un million de dollars sur les tables d’Europe et de Vegas: "Je voulais être un chanteur, je chantais au Club Med, et c’est là qu’on m’a découvert. En même temps, j’ai répondu à une petite annonce et je suis devenu acteur. Actuellement, je fais le film le plus important de ma vie… Je joue au poker depuis que j’ai huit ans. Je trouve ça assez artistique; ça a du panache! Dans tous ces métiers, j’adore l’adrénaline colossale des finales!"
Le 9 juin
Au Théâtre St-Denis
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