René Lussier : Le trésor retrouvé
René Lussier lance l’édition 20e anniversaire de son Trésor de la langue, incontestable chef-d’oeuvre de notre musique actuelle.
C’est en 1986 que le compositeur et multi-instrumentiste René Lussier commençait à réfléchir à un projet mêlant la musique et la langue parlée, un projet dans lequel la musique serait déterminée par la parole. Lussier explique: "J’avais déjà entendu des oeuvres de compositeurs qui travaillaient dans ce sens-là, par exemple André Duchesne qui avait fait un hommage à Serge Lemoyne dans lequel une contrebasse doublait la voix de René Lecavalier, mais sans être parfaitement collée au discours, d’une manière assez lousse. Zappa aussi avait quelque chose comme ça dans sa pièce The Dangerous Kitchen, mais là c’était presque du scat, rythmiquement impeccable… c’était de la musique! Moi, je voulais aller vers le banal, pour trouver ce qui se cache derrière, qui n’est pas mis en scène comme dans le discours d’un professionnel de la télévision. C’est peut-être mon travail dans le cinéma documentaire qui m’a amené là."
Le projet s’amorce en avril 1987, alors que Lussier commence les enregistrements en studio. Quelqu’un, du côté de la Chaîne culturelle de Radio-Canada, aura vent du projet et proposera à Lussier d’en faire une oeuvre radiophonique. Une version de 30 minutes du Trésor de la langue verra le jour et remportera en mars 1989 le prestigieux prix Paul Gilson de la Communauté des radios publiques de langue française (qu’aucun Canadien n’avait remporté depuis 1969). Le Trésor de la langue paraît finalement en janvier 1990. En 1992, le Festival de Victo invite Lussier à transposer l’oeuvre sur scène, ce qui amènera de nombreux autres concerts ici et en Europe, dont quelques-uns sont documentés par le film de Fernand Bélanger, Le Trésor archange (1996 – voyez la bande-annonce ici: www.rapideblanc.ca).
L’édition originale parue chez Ambiances Magnétiques étant épuisée, Lussier songeait depuis déjà quelque temps à lancer une nouvelle version augmentée: "Je me suis rendu compte que le disque avait pris beaucoup d’importance pour des gens s’intéressant aux aspects musicologiques, linguistiques ou politiques. Je n’avais pas de message à faire passer avec ce projet, mais je constate rétrospectivement qu’il s’agit bel et bien d’une oeuvre engagée." Les extraits de discours empruntés au général de Gaulle, à René Lévesque, à Michel Chartrand ou à Gaétan Montreuil (lisant le manifeste du FLQ) donnent en effet une certaine couleur à l’affaire!
Sans parler des interventions de Richard Desjardins et de Patrice Desbiens que l’on retrouve sur les deux disques supplémentaires qui accompagnent la réédition de l’original et offrent 100 minutes d’un montage d’enregistrements de concerts et d’extraits du film ("J’ai passé cinq mois à monter ça", explique Lussier). Et il y a La Mort du Concorde, qui nous ramène la voix de Pierre Bourgault, captée durant sa dernière chronique radiophonique. Ces inédits sont encore plus forts que le projet original et l’on y gagne l’assurance qu’a acquise le compositeur depuis 20 ans. Un magnifique objet qui assure Le Trésor de la langue d’une place au sommet de la phonographie québécoise.
René Lussier
Le Trésor de la langue, coffret / réédition
(La Tribu / Select)
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Frank Zappa
Le zapping sonore