Jean-Pierre Ferland : L'adieu aux larmes
Musique

Jean-Pierre Ferland : L’adieu aux larmes

Documentés et immortalisés sur un quadruple coffret, Jean-Pierre Ferland fait d’humbles adieux à la scène.

Pourquoi certains enfants construisent-ils leur vie sur l’appel abstrait et précoce des sirènes? Pourquoi certains, plus que d’autres, prêtent-ils l’oreille au chant des oiseaux?

Moment propice au bilan, dans les brefs segments d’entrevues contenus sur les DVD immortalisant sa dernière tournée, Jean-Pierre Ferland se pose beaucoup de questions, dont celle-là, en d’autres termes: "Pourquoi, moi, qui ai vécu mon enfance dans une maison où il n’y avait pas un seul livre… pourquoi suis-je devenu ce que je suis?" Terriblement émouvant ce moment, tout comme celui où une de ses admiratrices lui fait signer un autographe pour son père mourant.

On le constate maintenant, ces adieux-là furent un chemin de croix, une déchirure répétée dans toute la province. "Une torture!" admet l’artiste qui, bouleversé, oscille entre tristesse, perplexité et inquiétude après chacune de ses sorties de scène qui, de Sherbrooke à Terrebonne, l’emmène vers le rideau définitif. Adieux imprudents qui l’ont d’ailleurs presque tué. "Oui! c’était une torture chaque soir de dire adieu à une ville… Je répétais mon dernier départ. Je pensais naïvement que ça me préparerait à ne pas éclater en sanglots à Montréal. Je suis un être fondamentalement triste, et c’est un métier très souffrant. Je voulais en arriver là, moralement préparé. Mais j’ai pété les plombs. Trop d’émotions! Le système cardiovasculaire a dit: "Arrête! t’es en train de crever!" J’étais tellement tendu, j’n’en dormais plus, poursuit-il. Ça a été le cauchemar lorsque le coeur a lâché. Heureusement, cette folie a disparu. Trois mois plus tard, à Montréal, je suis entré sur scène avec 200 de tension artérielle. J’ai pensé exploser! Et puis, j’ai été irradié! Ce fut comme un miracle. "Ils" m’ont envoyé quelque chose… On s’est tous calmés."

L’AMOUR À MORT

Vingt-sept albums depuis 1959! Loin de le faire par amertume ou par nécessité, Ferland quitte la scène au sommet. Et c’est ce qu’il voulait. Roulant à plein régime sur l’énorme succès de Écoute pas ça, les années 2000 ont été le terreau d’une consécration inattendue, toutefois assombrie par son hypersensibilité croissante. "C’est assez paradoxal! En 1995, je me suis dit que je ne voudrais plus vendre, plus remplir de salles ou faire les premières pages des journaux… Juste achever un beau disque, de belles chansons, avec un son que je recherchais depuis longtemps. Pas de producteurs, pas de réalisateurs. Et, ça a marché! Alors, c’est à ce moment-là qu’il fallait que je parte. Je n’ai jamais été plus populaire que lors de ma dernière tournée: personne ne voulait que j’arrête. Mais c’est devenu tellement déchirant! Un soir, tout est merveilleux, le public t’adore! Puis le lendemain, un journaliste écrit que ce n’était pas bon!!! Écoute, ça me faisait trop mal… je ne pouvais plus!"

Retraité Ferland? Horticulteur de la rose jaune qui porte son nom à Saint-Norbert? À peine… "Je veux encore exister en tant qu’artiste. Je garde la radio. J’écris pour Isabelle Boulay, Kevin Parent et Céline. Je pars à Venise bientôt. Je veux remonter Gala qui est un échec, un emmerdement que je prends mal. Je veux faire deux comédies musicales. Je ne suis pas débarqué, mais chanter n’est plus un besoin. Je suis comme un funambule arrivé au bout de son fil de fer… Content de ne pas être tombé par terre… et pas assez habile pour revenir à reculons."

Jean Pierre Ferland
Ce soir-là
2 CD / 2 DVD
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