Rubberbandance Group : Transcen-Danse
Musique

Rubberbandance Group : Transcen-Danse

Rubberbandance Group agira à titre de briseur de glace à la première édition haute en couleur de HIP HOP 360, présentée par Festival Danse Canada. Entretien avec celui qui rompt les conventions du genre, Victor Quijada.

Lors du dernier passage du Rubberbandance Group (RBDG) en 2006 au Festival Danse Canada, le Centre national des Arts d’Ottawa affichait complet et une ovation enflammée s’étirant sur de longues minutes confirma l’engouement qu’ils avaient alors suscité. C’est avec une excitation non feinte que le fondateur de RBDG, Victor Quijada, ouvre Hip HOP 360, premier événement thématique du genre au Canada: "On représente le Canada dans différents festivals hip-hop du monde… C’est bien de pouvoir ouvrir un festival qui s’y consacre chez nous. Enfin!" se réjouit le chorégraphe, joint à Chicago, alors qu’il donnait deux représentations avec sa bande au Festival Ravania.

Cette effervescence que suscite la troupe de danseurs partout où elle va n’est pas étrangère au vent de fraîcheur qu’elle laisse sur les scènes du monde. Avec son énergie spectaculaire et son extrême polyvalence, RBDG puise dans la brutalité du breakdance, la rigueur du ballet classique ainsi que l’esthétisme et l’abstraction de la danse contemporaine. Cette recette s’est forgée sur le dos de Victor Quijada, artiste au parcours atypique.

Né à Los Angeles de parents mexicains, il est initié gamin au breakdance, qu’il pratiquera des années durant dans les bars de son patelin. Il confrontera ensuite sa technique de freestyle aux enseignements reçus dans une école d’art au secondaire, qui changera sa vision, heurté qu’il a été par le monde contemporain des arts, du théâtre. À 19 ans, il s’installe à New York, où il délaissera le hip-hop pour se consacrer à un entraînement vigoureux au ballet classique. Le défi est de taille et c’est justement ce qui attire ce danseur téméraire. "La rigueur, l’exigence physique du classique, c’est comme le miroir inverse du break: toutes les lignes droites du ballet sont cassées dans le break… Mais l’éducation et l’engagement sont les mêmes dans les deux styles."

À son arrivée dans la métropole québécoise en 2000, il se fait rapidement remarquer comme chorégraphe indépendant et il n’en faudra pas plus pour qu’il joigne les Grands Ballets canadiens de Montréal cette même année. "La ville de Montréal a vraiment déclenché quelque chose en moi à mon arrivée. La culture hip-hop était présente, c’était frais; les graffitis m’entouraient, c’était beau, c’était évolutif. Je me suis mis à vivre deux vies: je dansais avec les Grands Ballets le jour et j’étais dans les clubs le soir, jusqu’à trois heures du matin. Je cherchais enfin à joindre ces deux mondes qui vivaient en moi."

Deux années plus tard, il formait le Rubberbandance Group. "Ça a commencé de façon informelle dans les boîtes de nuit où j’emmenais des danseurs de ballet avec les breakers, les bboys… Dena Davida, à l’espace Tangente, a été la première à me donner une chance et une vitrine."

La rencontre de la fulgurante danseuse Anne Plamondon – maintenant coordonnatrice artistique et danseuse au sein de RBDG – aura aussi été déterminante dans son parcours. "Quand je l’ai rencontrée, c’est comme si toute la vision qui avait mijoté en moi pendant toutes ces années avait éclaté à un niveau supérieur. Elle arrivait avec tout son bagage et c’était exceptionnel ce qu’elle pouvait faire avec mon mélange d’idées, de formes, de dynamiques issues de différents mondes. Elle est comme venue valider mon travail", atteste-t-il. D’autres danseurs se sont ensuite greffés au duo pour engendrer cet hybride de la danse dont seul Quijada connaît les ingrédients.

VISION ÉLASTIQUE

Le spectacle d’une heure que présentera RBDG au HIP HOP 360, Perspective élastique, comporte deux parties: la première est constituée de six courtes pièces de duos et quatuors abordant les relations interpersonnelles avec les figures de combat et de dialogue, de rencontre et de confrontation, alors que la seconde consiste en la toute première pièce de la compagnie: Hasta la proxima.

À la définition de son style comme "amalgamant danse contemporaine et breakdance" qu’on lui a souvent accolée, Victor Quijada y voit un euphémisme: "C’est plutôt le résultat de l’expérience et l’exposure que j’ai récolté avec les deux styles. Les idées viennent de l’extérieur, elles se mêlent et s’altèrent les unes dans les autres. Il y a un réel mélange, une hybridité. Je pars vraiment des deux extrêmes pour aller ailleurs, avec tout ce que j’ai vécu dans le monde de la danse de la rue et sur la scène."

Le chorégraphe cherche en quelque sorte à casser les clichés liés à la danse urbaine et à la culture hip-hop, dont la définition même tend à devenir de plus en plus rigide, à son avis. "J’espère ouvrir une fenêtre à tout ce qui est possible devant la richesse de cette culture. Je trouve que ça a parfois perdu son coeur, son âme. Avec la commercialisation et la catégorisation des genres – ce qui est du break, ce qui est du bboying -, le chemin semble de moins en moins clair pour ceux qui veulent proposer quelque chose de nouveau. J’ai une certaine peur que ça devienne comme une religion et franchement, moi, je ne suis pas quelqu’un de religieux, je suis plus spirituel. D’une part, c’est bien d’identifier les choses afin qu’elles ne se perdent pas, mais en même temps, on a besoin de gens qui vont nous emmener ailleurs", remarque le chorégraphe qui se plaît à vouloir créer un pont entre les amants de la danse contemporaine et les adeptes de la culture urbaine.

Le 20 juin à 19h
Au Théâtre du CNA
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