Sophie Milman : Au pays des géantes
Musique

Sophie Milman : Au pays des géantes

Sophie Milman était probablement le plus bel espoir jazz au pays. Elle est désormais devenue une valeur sûre qui fait envie.

Depuis la parution de son album éponyme, en 2004, le boulot de cette gueule d’ange blond, Torontoise déracinée venue de Russie puis d’Israël, fut de chanter sur cinq continents. "C’est dur pour le moral ces allers-retours en deux jours à l’autre bout du monde. Je me sens comme Scarlett Johansson dans Lost in Translation… C’est définitivement moins "glamour" qu’il n’y parait…"

Carrière récente et, s’il se peut, réfléchie. À preuve, ce premier album au répertoire accessible avec, sur la pochette, l’ingénue en robe du soir. Un look d’enfer et tout pour séduire. "Le look? Ça peut être l’étincelle initiale qui attire, mais dans le jazz, ce n’est pas essentiel. Quelle part de mon succès devrais-je attribuer au fait que je suis agréable à regarder? Comment pourrais-je le savoir! Mais je suis convaincue que dans cette musique, Barbie ne survit pas longtemps."

La suite est attendue. Au moment d’écrire ces lignes, il ne reste plus que quelques heures au décompte de son site Internet avant la parution de Make Someone Happy, disque étonnamment dense pour une fille d’à peine 24 ans.

Étudiante en économie, Milman réfléchit au jazz dans cette perspective peu banale: "L’économie mondiale est dominée par une population vieillissante. Les boomers veulent des nouveaux artistes qui chantent des musiques intemporelles ou, simplement, retrouver leurs vieilles idoles. Je crois que depuis les années 90, la popularité d’artistes qui font du jazz en fusionnant des influences pop et rock s’explique comme ça."

"Je suis terriblement timide. Ce n’est pas dans ma nature profonde d’être un personnage public exposé aux médias et aux critiques. Je ne fais pas ce métier avec facilité! Tout ce qui n’est pas disque et scène me stresse beaucoup, poursuit-elle. Je crois que ces hauts et ces bas se ressentent dans les forts contrastes du répertoire de mon nouvel album."

Make Someone Happy possède aussi une maturité que Milman lie à trois ans de tournée intensive aussi bien qu’au déracinement et à des origines juives dont elle reste fière. "Beaucoup de compositeurs juifs – Irving Berlin, Gershwin… – ont travaillé de près avec les Noirs pour développer le jazz. Il demeure intéressant que cette musique soit issue de deux cultures oppressées. En Russie, nous ne pouvions pas pratiquer notre religion, nous étions victimes d’une sournoise intimidation. On nous rappelait que nous sommes mauvais et différents tous les jours de notre vie. Il me manque un peu de cette culture qu’on nous interdisait. J’espère que mes enfants, un jour, en seront plus imprégnés que moi. Se souvenir est important."

Le 4 juillet à 18 h
Au Théâtre Maisonneuve

À voir/écouter si vous aimez
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