Femi Kuti : Le respect des racines
Femi Kuti est au sommet de l’afrobeat et s’amène avec sa troupe de 14 musiciens pour livrer un message de justice. Le saxophoniste-chanteur est intègre envers un héritage exceptionnel avec lequel il grandit sans fausse modestie.
Il est chez lui, à quelques heures d’un spectacle qu’il donnera en soirée au Shrine. Cet endroit mythique de Lagos au Nigeria avait été mis sur pied par son père, Fela Kuti, au courant des années 70, avant d’être rasé par les flammes. Un accident déplorable, orchestré par un gouvernement hostile à la liberté d’expression. Le fils a repris le flambeau et il fait revivre le temple de l’afrobeat, un pôle pour la relève musicale de la ville et, pour le saxophoniste, un moyen d’être en contact permanent avec ses concitoyens. "Je ne peux pas te décrire l’endroit, il faut que tu viennes voir! Ce serait la seule façon pour toi de comprendre ce qu’on y fait." Une invitation alléchante que je garde en réserve, me contentant de cet entretien téléphonique pour en savoir un peu plus sur le fils prodige dont la vocation s’inscrit dans la philosophie humaniste de son père, en symbiose avec sa recherche musicale.
Après trois albums studio et un dernier opus enregistré devant public au Shrine, Femi Kuti travaille toujours sur son prochain disque, libéré de son contrat avec la maison Barclay. Le travail s’accumule depuis un an, mais le saxophoniste prend le temps de se perfectionner au piano et à la trompette, un instrument dont il s’est entiché, et de cultiver son répertoire sur scène. Le discours et la vision qu’il endosse sont toujours les mêmes. Tel un sherpa qui se hisse sans faiblir vers le sommet invisible d’une montagne inconnue, il ne laisse poindre aucun signe d’essoufflement ou de frustration dans sa voix. Il s’enflamme et accélère le débit, par passion, m’expliquant sa quête de plus en plus inaccessible: la justice sur le sol africain. "Ce n’est pas seulement pour l’Afrique, précise-t-il. Les sentiments que j’exprime sont issus de l’histoire. Il n’y a que la musique pour véhiculer cette forme de connaissance. Les gens sont libres d’y être ouverts, de vivre en groupe un moment particulier. Après, le vrai travail commence. La musique, elle rejoint l’esprit et l’intelligence, elle frappe et s’imprime dans le cerveau. Les personnes le sentent. C’est à elles d’intégrer ce message et de choisir d’être honnêtes envers elles-mêmes. C’est un état de conscience qui est accessible à tous. Pour l’Amérique, l’Europe et l’Afrique."
Il est respectueux du symbole qu’il représente et de l’héritage qu’il porte sur ses épaules. Avec modestie, il s’incline devant ce legs et en assume la responsabilité avec une attention particulière. On peut s’interroger sur l’intérêt qu’aurait un gouvernement à utiliser un tel symbole. La suite logique ne serait-elle pas d’influencer les hautes instances politiques de son propre pays? "Non, jamais, indique-t-il sans hésitation. Je communique qui je suis aux gens qui sont comme moi. Les gens du pouvoir, les politiciens, ces personnes qui baignent dans la corruption, il n’y a rien à faire avec eux. Lorsque la population décidera d’être ensemble et de vivre dans la dignité, c’est à ce moment que les politiciens n’auront d’autre choix que de se rallier au peuple. Ce sont les gens qui importent. Ce sont eux, le futur."
Le 7 juillet à 18h30
À Place d’Youville