Holly Cole : Cool Miss Cole
Musique

Holly Cole : Cool Miss Cole

Holly Cole revient nous faire son numéro de charme armée de son meilleur album.

Certains la jugeaient froide et inexpressive. D’autres, heureusement, admiraient son remarquable charisme. Chez elle, cette sensualité torride que cache une fausse placidité est souvent ponctuée d’un humour polisson avec des épisodes quelque peu excentriques. Mais une chose est sûre, son septième disque studio, une oeuvre éponyme et racée, place maintenant Holly Cole à un autre niveau de maturité. Depuis la mi-mars, les meilleures ventes dans tout le pays se font d’ailleurs… à Montréal.

"Ne savez-vous pas que j’adore cette ville? J’espère que les gens n’en ont pas marre de m’entendre répéter ça car je le dis sans arrêt dans mes spectacles et dans mes entrevues. Mais c’est ma ville préférée au monde! À Montréal, je joue ce que je veux quand je veux et les gens ont un respect, une réceptivité incroyables. Et j’adore littéralement la culture québécoise. Les gens sont francs et ils aiment l’art. Ils sont un peu grognons mais passionnés, avec du tempérament et une belle estime de soi. Ils ne sont pas ennuyeux comme en Ontario. Moi, je réside à Toronto mais je suis une fille d’Halifax. Dans les Maritimes et au Québec, on a un bien meilleur sens de l’humour."

PREMIÈRES AMOURS

Les premières amours, on y revient toujours. En tout cas, c’est ce que dit la chanson. Et c’est sans nostalgie, avec un enthousiasme contagieux que Cole évoque ses aventures chez nous, jadis. Mémoire vive? "J’ai passé pas mal de temps à Montréal au début de ma vingtaine. Mon amoureux de l’époque habitait un appartement à l’angle des rues Ontario et Saint-Denis, avec un petit balcon d’où l’on pouvait voir le Festival de Jazz, y compris la scène sur laquelle j’ai chanté la première fois. Ceci dit, j’ai dû me battre bec et ongles pour obtenir ce contrat au FIJM! Je n’avais même pas encore d’album, alors j’étais allée porter ma petite cassette audio à David Jobin, qu’on m’avait dit en charge de la programmation chez Spectra. J’étais déjà avec le trio (Aaron Davis au piano et David Pitch à la basse) mais il y avait aussi un batteur et Perry White au sax. Perry que je retrouve pour les concerts au TNM cette année. Je crois bien qu’on n’a pas joué ensemble depuis ce temps-là. C’est comme boucler la boucle."

LE CONTEXTE IDÉAL

Celle qui a conquis son public dans des shows en plein air bénéficie donc depuis de l’acoustique et de l’intimité des belles salles. Elle a même rempli Wilfrid-Pelletier, et les responsables confirment qu’on aurait pu facilement rajouter trois autres soirs cette année. La chanteuse, elle, convient que tout est relatif… "Le TNM, c’est la salle idéale pour moi. L’acoustique, l’espace… Et puis, une grande partie de la réussite d’une musique, c’est la création de l’atmosphère qui permet la transmission de ce que tu veux livrer. C’est donc mieux pour moi de jouer en salle des chansons subtiles. Ceci dit, la plupart de mes meilleurs spectacles, je les ai réussis dans l’adversité, ou alors malade ou grippée. Tu dois aller chercher des ressources créatives en toi que tu ne solliciterais probablement pas si tu étais installée dans le plus grand confort. Si tu te sens mal et que tes musiciens le savent, ils redoublent d’adresse, ils sont sous tension, plus attentifs au moindre détail. Ça donne parfois d’excellentes performances. Pendant la tournée Lilith Fair, par exemple, je me souviens d’un concert au Texas où j’étais complètement trempée sous une pluie battante. J’ai adoré ça… J’avais un microphone avec câble et j’aimais presque l’idée que d’une seconde à l’autre, je pouvais me faire électrocuter! Il y avait une drôle d’excitation dans l’air."

Mais pour satisfaire aux exigences de son répertoire actuel, Holly a besoin de calme… et de cuivres. Son somptueux petit dernier, réalisé conjointement avec le fameux Greg Cohen (qui avait fait son premier disque en 1989, avant d’aller vagabonder avec Tom Waits, Ornette Coleman, John Zorn et Elvis Costello), bénéficie également de la touche magique d’un arrangeur rare et raffiné: le pianiste Gil Goldstein. Enregistré à New York avec un nonnette tout en nuances, il rassemble des chansons de maîtres tels que Porter, Berlin, Legrand, Gershwin… et une inconnue, Larger Than Life, signée d’une Torontoise nommée Cole. "On m’a toujours demandé pourquoi je n’enregistrais pas mes propres chansons. En fait, je n’écris pas tout le temps mais j’en ai quand même terminé une bonne quantité. Sauf que je ne suis jamais vraiment contente du résultat. En plus, si tu vas mettre ta propre création sur le disque à côté de celles de Mancini, Jobim, Harlen et Porter, elle a besoin d’être bonne! C’est Greg qui m’a convaincue de terminer celle-ci pour l’album." Voilà comment on se jette à l’eau! La chanson en question évoque son chum Dylan Hemming, qui a enregistré le disque et qui maintient une ambiance musicale autour de l’artiste, comme dans la maison où elle a grandi. Car à Halifax, chez les Cole, tout le monde joue du piano. Grand-père accordéoniste country, papa et maman concertistes classiques, grand frère jazzman, compositeur d’opérettes. La totale!

"La raison pour laquelle je vis avec Dylan depuis six ans, c’est parce qu’il sort du lit avant moi et qu’il commence à jouer du piano. Quand je me réveille, je sais que je suis chez moi." Une grande romantique, cette Holly sensuelle dont on contemple les longues jambes sur cette pochette noir et blanc très rétro à la Marlène Dietrich… "Dietrich? Il faut m’arrêter quand je parle d’elle! C’était une femme fascinante qui savait mieux que quiconque se placer dans la lumière. Elle chantait comme un pied mais habitait ses rôles de manière exceptionnelle. J’aime ces divas dramatiques et ce style complètement rétro. J’aurais voulu jouer dans Casablanca, laisser Humphrey Bogart sous la pluie, seul et désolé sur la piste, et prendre cet avion dans la nuit. Ce serait le comble de mon power trip!"

ooo

JAZZ 101 ET CHANSON À TEXTE

Quelques clés pour écouter Holly:

"Il est plus difficile de trouver une chanson avec un bon texte qu’une chanson avec une belle mélodie. Surtout que tu peux manipuler la musique: la réharmoniser, changer la clé, les accords… Par contre, tu ne peux changer carrément les paroles ni tricher avec."

"Moi je recherche toujours le non-dit. C’est même plus intéressant, en somme, que le texte lui-même. Parce que ce n’est pas littéral, ça me touche plus et ça touche aussi chaque auditeur de manière différente. Voilà pourquoi j’aime mieux les films d’Alfred Hitchcock que ceux avec Freddy Krueger! L’un implique et suggère, l’autre montre tout cru. Ce qui est suggéré oblige l’auditeur à transposer ce qu’il entend dans ce qu’il a de plus intime, de plus profond ou de plus sombre parfois… Peu importe le genre d’émotion.

J’ai abandonné depuis longtemps la répulsion que j’avais jadis pour la plupart des genres populaires. Quand j’avais 19, 20 ans, j’étais férue de jazz, j’allais à l’école de musique. Je pensais que tout ce qui n’était pas Sarah Vaughan ou Nina Simone ou John Coltrane ou Charlie Parker était de la merde. Totale. J’en étais convaincue. Tout ce qui était pop, country, folk, peu importe, était out. J’aurais détesté la musique que j’ai enregistrée sur mes six premiers albums si j’avais encore cette mentalité-là. J’avais des oeillères: pour moi, il y avait le VRAI jazz et, à côté, le reste… Et Earth, Wind & Fire était le diable incarné… Mais je ne me connaissais pas encore. N’empêche que mon nouvel album est loin du folk-pop et que je n’y chante plus Johnny Nash, Tom Waits, Paul Simon ou Randy Newman. C’est quand même un retour vers le jazz essentiel et contemporain. Dans le fond, c’est comme mon Jazz 101."