Manu Chao : Hola, Clandestino!
Manu Chao, le clandestin le plus célèbre de la planète, arrête sa tournée américaine à Montréal, Québec et Ottawa, tout en mettant la touche finale à son nouvel album, prévu pour la fin de l’été.
Ironiquement, Manu Chao est à la fois le musicien le plus affairé et le plus nonchalant – du moins son attitude le laisse penser. Car qu’est-ce qui évoque Clandestino? Quel décor dresse-t-il sitôt que le cd joue? Du soleil, de la détente, quelques rythmes qui hypnotisent et bercent. Or, ses chansons ont beau être la trame sonore idéale du farniente, il faut se lever tôt pour attraper le chanteur en entrevue. Se lever tôt ou, plutôt, réagir vite!
CLANDESTINO
L’artiste s’exprime librement, alternant entre la modestie et une certaine fierté du chemin accompli. Il passe du tutoiement au vouvoiement sans crier gare. Son Clandestino, qui a séduit tout le monde aux quatre coins de la planète, a presque dix ans déjà. "Je ne m’attendais pas à ce succès. Je pensais même que ça n’allait pas marcher du tout. Dans ma tête, c’était un peu mon dernier cd. Après, je pensais faire autre chose. Et finalement, c’est la musique qui m’a rattrapé par la peau des fesses. Clandestino, je l’ai sorti comme ça, parce que quelques amis voulaient l’avoir, mais je ne pensais pas que ça allait plaire aux gens."
Et depuis, chacun surfe allègrement sur la vague latine, en reprenant des bouts de chansons en forme de slogan dérisoire: "Marijuana? Illégale!" La fête, le sourire, l’épanouissement: l’univers Chao.
PAS DE RÉPIT
Trois ans après Clandestino paraît Proxima Estacion: Esperanza, en 2001. Et voici qu’arrive enfin le troisième disque solo de Chao, à priori intitulé Radiolina. Tout ce qu’on connaît de ce nouvel opus, c’est le premier extrait diffusé, assez rock d’ailleurs: Rainin in Paradize.
Six ans d’attente, c’est long! Pourquoi toutes ces années entre les deux cd solo? "Mon problème, c’est le temps. Il y a beaucoup de choses, de projets externes. Il y a eu le cd live (Radio Bemba Sound System, 2002). Après, j’ai produit l’album d’Amadou et Mariam: ça a pris du temps, et c’était une aventure passionnante. J’ai produit aussi Akli D, un chanteur algérien. En France, on a fait un cd-livre, Sibérie m’était contée, avec le dessinateur polonais Wozniak."
Manu pourrait aussi rajouter qu’il a signé la bande sonore du film Princesas de Fernando Leon de Aranoa (qui a remporté trois Goya – les Jutra des espagnols – en 2006), qu’il se chargera de celle du prochain film de Kusturica, un documentaire sur le footballeur Diego Maradona, qu’il prévoit sortir un album en portuñol (croisement entre le portugais et l’espagnol) et un disque de rumba qu’il a enregistré dans les bars de Barcelone, Lo peor de la rumba volumen 1 (ou Le pire de la rumba volume 1 en français)…
Son nouveau disque sort fin août, début septembre, mais on cherche déjà à en savoir plus. "Je n’ai pas vraiment fini encore, donc ça peut changer. Il y aura une quinzaine ou une vingtaine de chansons. Pas mal sont en espagnol, en anglais; deux sont en français, une en italien. Il a été enregistré un peu à droite, à gauche, comme d’habitude, avec un sac à dos. Il a été mixé à Los Angeles par Mario Caldato (Beastie Boys, Jack Johnson…) et Andrew Scheps (Red Hot Chili Peppers, Mars Volta…). Les finitions, c’est à la maison, à Barcelone. Je l’ai ramené chez moi; je bricole avec. La moitié des chansons est masterisée, c’est une histoire de jours. Il est dans la lignée de deux précédents. Il y a peut-être un peu plus de guitares. Je dirais que c’est un peu le chaînon manquant entre les deux derniers albums et ce qu’on fait sur scène."
TÉLÉCHARGEZ-MOI
Alors qu’un peu partout, on use de répression contre les internautes qui téléchargent illégalement la musique, Manu Chao a choisi de mettre en téléchargement gratuit le premier extrait de son futur album. "Il n’y a pas d’arrière-pensée. On a fait ça en commun accord avec ma maison de disques, en harmonie. On a le morceau; on a un site Internet. On n’est pas avec les ongles, acharnés à vouloir vendre à tout prix. C’est un plaisir qu’on se fait à nous et aux gens. Le piratage, ce n’est pas tellement nouveau. Si on se replonge dans le passé, à mon adolescence, on n’avait pas Internet, mais on piratait tout en cassettes. Dans mon quartier, pour un vinyle qui rentrait, il y avait cinquante copains qui faisaient des copies. Pratiquement toute ma collection de musique était en cassettes."
Qui y gagne, qui y perd? Selon Chao, le téléchargement "va changer beaucoup le monde de la musique. Côté négatif, pour les musiciens, ça va être de plus en plus difficile de vivre de la musique en vendant des cd. Alors, et ça c’est peut-être positif, il va falloir que les musiciens fassent de la scène. Ceux-là pourront s’adapter."
En attendant, les bêtes de scène ont peu à craindre pour leur survie. Il y aura toujours des fiestas pour eux. Chao en tête. "On a un set qui fait deux heures et demie. Quand on joue dans les festivals, parfois on ne peut pas faire tout le spectacle, il faut s’adapter. Il y a une liste de morceaux de base, qu’on change un peu de jour en jour. Et dans chaque chanson, il y a beaucoup de place pour improviser. Du jour au lendemain, la même chanson ne sera pas jouée pareil: pas la même intro, pas la même fin. Ça dépend de ce qui se passe sur le moment. On travaille beaucoup par signes sur scène. Pour cette tournée, on est six musiciens. Mais il n’y aura pas les cuivres. Une formule un peu plus rock’n’roll, on va dire."
L’ex-Mano Negra a toujours plusieurs projets sur le feu. San Francisco l’attend, on le laisse filer… Avant de raccrocher, il lance: "Merci d’avoir appelé!" Et le mieux, c’est que ça sonne sincère. Clandestin, libre et poli. Applaudissons.
Le 7 juillet à 21h
Sur les plaines LeBreton (scène MBNA)
– Bluesfest d’Ottawa