Gianmaria Testa : Le sort des autres
Le dernier disque de Gianmaria Testa, Da questa parte del mare, parle des immigrants avec une grande compassion. Devant un destin si cruel, quelle est notre part de responsabilité? Peut-on espérer un nouvel humanisme?
Sur la pochette de l’album, une photographie, en noir et blanc, d’Ivo Saglietti, photojournaliste italien célèbre pour ses "images contre la guerre". Des citoyens du Kosovo fuient la guerre vers la ville de Kukes. Le reflet qu’on voit de ces gens dans l’eau, que représente-t-il? Leur passé ou leur avenir? C’est de la région de Cuneo, les yeux rivés vers le fleuve Pô, que part le regard de Testa.
Plusieurs des artistes s’exprimant au Festival d’été de Québec 2007 partagent la même préoccupation profonde pour le sort des immigrants: Johnny Clegg, Los Lobos, Tcheka et Gianmaria Testa. C’est dans Il passo e l’incanto (Le pas et l’enchantement) que ce dernier cerne le mieux les raisons qui l’ont motivé à écrire cet album: "Avec l’écart immense entre l’Occident et le reste du monde, il est inévitable que des gens se déplacent. Ce n’est pas en faisant des lois ou des murs que l’on peut comprendre ça. La solution, c’est de changer de perspective. L’Homme n’a rien appris de l’Histoire. Ici, on n’a pas traité les immigrants mieux qu’ailleurs. Il existe un racisme des gens ordinaires. L’Italie aussi a manqué d’humanité. Les Africains qui viennent chez nous sont souvent obligés de changer leur nom. Ils perdent leur identité. Il n’y a plus de discussions politiques là-dessus."
Plusieurs chansons de Testa évoquent le destin cruel de ceux qui cherchaient un avenir meilleur. "La traversée de la mer se fait dans des conditions pourries", souligne Testa. Notre échange sur Una barca scura (Une barque sombre) amène Testa à parler d’un terrible fait divers: "Hier, ils ont trouvé 14 corps noyés au large de l’île de Lampadouse."
Étonnamment, le Festival international d’été de Québec devient le point de convergence d’un tas d’artistes ouverts sur le monde: Simon Galliage, qui a participé à l’émergence du groupe Ozric Tentacles, participe activement à la réalisation des albums de Rachid Taha; Renaud est coproducteur du dernier album de Johnny Clegg; et la route de Gianmaria Testa a croisé sur disque celle du guitariste américain Bill Frisell. "J’aurais pu, pour soutenir mon propos, précise Testa, avoir recours à la musique arabe. Mais je craignais que ce soit trop démagogique. Je voulais davantage m’adresser aux Occidentaux." Manifestement, cette ouverture d’une culture à l’autre, ce "changement de perspective" sont très perceptibles dans le champ de la musique.
Le 15 juillet à 20h30
Au Palais Montcalm
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