Hugh Masekela : Cet homme est un roc
Musique

Hugh Masekela : Cet homme est un roc

Le souffle, le coffre, les coups de gueule et la volonté de défendre l’Afrique du Sud: tout cela est inébranlable chez Hugh Masekela, autre grand invité du Festival Nuits d’Afrique. La lutte n’est pas terminée.

"SPEAKING!"

À la seconde où il me répond ça, aux antipodes, à l’autre bout du fil, avec cette voix profonde, virile et tellement sereine, je sens que je m’adresse à un grand, à un sage. Ces énergies-là sont parfois palpables dès le premier mot. Et Hugh Masekela, 68 ans, est de la race des Mandela, celle des rois indomptables.

"Pour dire la vérité, je ne pense pas que j’ai gagné ou que j’ai conquis le monde ou quoi que ce soit. Je suis juste issu d’un peuple qui s’est battu pour une vision qu’il a finalement imposée. Beaucoup ont sacrifié leurs vies, ont pris des risques pour que nous soyons libres aujourd’hui. Ce sont eux les héros. Je leur dois tout. À eux et à ceux de la diaspora africaine qui m’ont aidé. Je ne me considère pas comme une star ou quelqu’un qui a réussi une trajectoire sidérale. Je suis un canal, une voix pour faire entendre la réalité de mon peuple, ses frustrations, sa musique. J’ai une dette envers cette nation que je ne serai jamais capable de rembourser."

Voilà qui est très clair. Pourtant, il dira ce qu’il voudra, Masekela a quand même été le premier musicien d’Afrique à percer ainsi en Amérique et dans le monde entier. Ami de Dizzy Gillespie et de Harry Belafonte, mari d’alors de Miriam Makeba, il a décroché la première place du hit parade américain, en juillet 68, avec Grazing In The Grass, une pièce instrumentale qui s’est vendue, à l’époque, à quatre millions de copies. En ce temps-là, on ne parlait pas encore de "world music"; le terme n’existait même pas. Quant au trompettiste prodige, il nie avoir jamais fait du jazz. Même s’il s’époumonait déjà à Johannesburg à l’âge de 14 ans dans une fanfare. "Du jazz? C’est vous qui le dites! Je n’appartenais à aucune catégorie. J’étais d’abord un enfant qui faisait de la musique. À l’époque, il n’y avait pas de mainstream, pas de stratégie marketing. On aimait ou on n’aimait pas cette musique-là, c’est tout. Je ne pense même pas que le mot jazz était pris au sérieux par quelqu’un comme Armstrong. Par contre, il ne finissait jamais une phrase sans parler des gens de La Nouvelle-Orléans. La gloire personnelle est temporaire. Il faut savoir d’où on vient, rendre hommage et mettre en lumière les difficultés et les efforts de la communauté dont on est issu."

À ce titre, le concert de Masekela est quelque chose! Comme en témoigne le tout nouveau double compact Live At The Market Place qui prend des allures de rallye post-apartheid et glorifie, dans l’incontournable Stimela, le travail ingrat des mineurs du charbon et autres chercheurs d’or. "Les gens nous imaginent comme une nation miracle, comme dans un film. On a été en guerre pendant 400 ans et avons vécu 50 ans d’apartheid jusqu’au 27 avril 1994. Nous sommes libres aujourd’hui, mais nous possédons moins de 2 % de l’économie. La bataille n’est pas finie. Il va falloir une autre génération pour réparer les dommages".

Le 17 juillet à 20 h 30
Au La Tulipe
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