Abd Al Malik : Prose combat
Le Parisien Abd Al Malik s’arrête en ville pour défendre les titres de son solide deuxième album à la croisée du rap, du jazz et du slam.
À l’heure où le rap s’enlise dans la violence et les clichés sexistes, Abd Al Malik est une véritable anomalie. Proposant des textes autobiographiques et profondément philosophiques, le jeune homme d’origine congolaise fait tourner les têtes depuis la parution de Gibraltar, un deuxième compact empreint de sensibilité et de sagesse. "L’objectif de ce disque était de lancer des passerelles entre les différents styles musicaux, les générations et toutes les formes d’art. Bref, d’offrir une oeuvre qui, métaphoriquement, représente un pont entre divers éléments. De nos jours, j’ai l’impression que c’est dans le dialogue, les rencontres et le métissage qu’on fait avancer les choses. Du moins, c’est ce que j’ai compris et mis en pratique", raconte le jeune homme de 32 ans, attrapé au vol entre deux spectacles.
Leader du collectif N.A.P. (New African Poets) et auteur à ses heures, Malik considère le rap comme étant une forme d’art essentiellement spirituelle. Avec Gibraltar, il démontre la richesse et la pertinence de ce langage tout en posant un regard lucide vers l’avenir. "Le véritable défi du rap est de renouveler sans cesse son esthétique et de poursuivre sa route, car le mouvement, c’est la vie. Si le rap se nourrit de toutes les autres musiques, souvent, on se retrouve enfermé dans des clichés, des caricatures et de la tiédeur. J’ai eu envie de donner un solide coup de poing à ce sectarisme malsain. Proposer une révolution, au sens étymologique du terme, et prouver que le rap était une musique ouverte et riche en revenant à ses racines, à ce qui m’avait donné envie de faire cette musique au départ".
Articulé, fin observateur du quotidien et de sa génération, Malik signe, avec Gibraltar, une collection de morceaux au propos à la fois introspectif et universel. Puisant sa matière première dans la spiritualité et la littérature, il parvient même à évoquer au passage l’oeuvre foisonnante du Grand Jacques. "Il y a une dizaine d’années, j’ai plongé tête première dans l’oeuvre de Brel, et ce fut un véritable coup de foudre. Évidemment, il y a toute cette force d’interprétation, mais aussi cette écriture magnifique et cette musique intemporelle. En toute vérité, cet album, c’est un hommage à mes héros. Il y a Brel, évidemment, mais aussi Nas, Jay-Z, Coltrane, Camus, Carver. Disons que j’avais envie de rendre hommage à l’art en général", explique l’ancien étudiant en philosophie et en lettres classiques, aujourd’hui marié à la chanteuse Wallen.
Poète des temps modernes, Malik se distingue de ses contemporains par la virulence de sa prose et vogue allègrement sur les eaux de la chanson traditionnelle et du slam. "En puisant dans le slam, je désirais mettre de l’avant l’aspect littéraire, évoquer un recueil de nouvelles. Lorsqu’on lit un livre, on entend une petite voix dans sa tête, et j’avais l’intention de faire entendre la mienne. C’est en participant à des sessions de slam que j’ai découvert une intensité fabuleuse. L’intensité me séduit. Il y a quelques mois, j’ai assisté à la première de Juliette Gréco, et lorsqu’elle est apparue sur scène, c’était lumineux, puissant. Soixante ans après ses débuts, elle avait conservé cette énergie. Tu t’imagines? Moi, je me demande si je serai encore là l’an prochain!"
Le 1er août, avec Bienvenue à Slam Cité
Au Spectrum
À écouter si vous aimez
MC Solaar
Grand Corps Malade
Oxmo Puccino