Daft Punk : Odyssée de l'espace
Musique

Daft Punk : Odyssée de l’espace

Le duo français Daft Punk s’apprête à virer le Centre Bell à l’envers avec un spectacle dantesque et ambitieux, alliant projections, jeux de lumière et gros son. Attention, les robots sont de retour!

Depuis leur escale, l’an dernier, à Coachella en Californie, premier arrêt de leur immense tournée Alive, Thomas Bangalter et Guy Manuel de Homem-Christo, n’ont pas chômé. Dix ans après la parution du grisant Homework, pierre angulaire de la french touch des années 90, Daft Punk sortait de son hibernation prolongée avec un spectacle haut en couleur qui fit écarquiller les yeux de bien des spectateurs. Amalgamant projections vidéo sur grand écran, effets laser élaborés et son gigantesque, l’installation colossale se démarquait radicalement des premiers spectacles du tandem. "À l’époque de Homework, on arrivait avec quelques machines, et c’était tout. Les pièces se traduisaient facilement sur scène, et la formule nous plaisait. Pour le deuxième disque (Discovery), on désirait aller de l’avant et présenter un spectacle différent, mais à l’époque, il n’y avait pas de moyens techniques satisfaisants pour arriver à ces fins. On a tenté le coup, mais le résultat n’était pas à la hauteur de nos espérances. Ce n’est qu’à partir du dernier album (Human After All) qu’on a constaté que les choses avaient changé. Les possibilités étaient multiples. Les logiciels et les machines mis à notre disposition fonctionnaient de manière plus simple et ludique", explique Guy Manuel de Homem-Christo de son appartement parisien.

À LA FINE POINTE DE LA TECHNOLOGIE

Évoquant à la fois l’époque des shows élaborés de Jean-Michel Jarre ainsi que l’univers futuriste d’un Kazuhisa Takenouchi, ce nouveau spectacle se veut un véritable travail d’équipe. Depuis les premiers balbutiements du projet, en 2006, le duo a supervisé de près l’élaboration des décors et la mise en scène de l’audacieuse entreprise. "En s’attaquant au développement, on a réalisé à quel point la technologie avait évolué en l’espace de quelques années, et ça nous a vraiment pris par surprise. La mise en scène élaborée nécessitait une foule d’éléments techniques nouveaux. Des trucs qui venaient d’arriver sur le marché. On est arrivés à un moment dans notre carrière où l’on avait le feu vert. On était en mesure de faire tout ce que l’on voulait et on a sauté sur l’occasion. Il est certain qu’à l’époque de Discovery, le niveau de plaisir n’aurait pas été le même. On s’est donc attelés comme il faut, puis on s’est lancés tête première sans penser aux contraintes", raconte avec véhémence le bidouilleur de 33 ans.

Affublés d’uniformes futuristes et camouflés sous leurs fameux casques de robots, nos hommes-machines ne se contentent pas de se trémousser nonchalamment derrière leur laptop. Dissimulé sous une énorme pyramide entourée de lumières multicolores et soutenue par des grilles d’acier, le duo androïde mixe des échantillonnages en direct, réarrange et triture ses tubes plutôt que de revisiter fidèlement ses trois albums studio. "C’est ce qui est véritablement excitant. On peut mélanger les morceaux à notre guise, les déformer, les étirer, transformer les sons, modifier les tempos, les octaves. De plus, la qualité sonore nous permet une énorme flexibilité. C’est difficile pour moi de parler de ce show, car je ne l’ai jamais vu en tant que spectateur, mais ce qu’on a tenté de faire, c’est de concentrer un maximum d’énergie du début à la fin. On a voulu cristalliser un moment de vitalité et d’intensité en multipliant les couleurs et la puissance sonore. Bref, notre but était de créer un spectacle avec un impact immédiat."

Même si l’on peut parler d’une tournée à l’échelle mondiale (avant Montréal, la bande s’est arrêtée, entre autres, à New York, Chicago, Los Angeles, mais aussi en Irlande, au Luxembourg, en Allemagne, à Berlin et à Paris), on a pris le temps de sélectionner certaines villes avant de partir sur la route et d’entraîner le public dans ce tourbillon sensoriel. "Ce spectacle nécessite une logistique imposante, et il y a toute une équipe qui gravite autour, donc c’était tout à fait impossible de jouer tous les soirs. D’abord, c’est une question de budget mais, évidemment, c’est un show lourd à transporter. Ce n’est pas les Rolling Stones, mais on est loin de nos débuts en tant que DJ avec nos petites platines!"

MINIATURISATION ET DÉMOCRATISATION

Ayant présenté leur premier long métrage plus tôt cette année, Daft Punk’s Electroma, espèce de road movie expérimental racontant l’histoire de deux robots en quête d’humanité, Bangalter et de Homem-Christo continuent de s’occuper de leurs labels respectifs (Roulé et Crydamoure) malgré un ralentissement des activités au cours des trois dernières années. "Même si la scène électronique est en pleine santé, il est difficile de maintenir un label en vie à cause de plate-formes comme l’Internet et de sites tels que MySpace, mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. À l’époque de notre premier disque, il y avait un ou deux labels électro en France. On encourageait les gens à acheter du matériel et à court-circuiter le réseau des maisons de disques afin de pouvoir faire de la musique chez soi. Regarde ce qui s’est produit. Aujourd’hui, on peut créer de la musique avec son laptop dans l’avion ou le métro. Tout s’est miniaturisé et démocratisé, et c’est en faveur de la musique électronique", s’exclame-t-il.

DES IDÉES PLEIN LA TÊTE

Malgré un intense bouillonnement créatif, pas question, du moins pour l’instant, d’annoncer la sortie prochaine d’un album de nouveau matériel, d’un live ou de capter le spectacle sur pellicule pour une éventuelle parution sur DVD. Livrant, en moyenne, un nouvel opus tous les quatre ans, on ne peut pas dire que le clan Daft Punk soit particulièrement productif. Homem-Christo s’explique: "Gérer tous les aspects de notre carrière nécessite énormément de temps. Le public pense peut-être qu’on est paresseux, mais on est presque toujours en train de bosser sur quelque chose et, présentement, on n’a pas le temps de travailler sur d’autres trucs. On doit conserver nos énergies pour le spectacle. Oui, on a des idées plein la tête, mais rien de concret. Chose certaine, on ne veut pas s’arrêter là où l’on est. Pour l’instant, tout ce que l’on désire, c’est que les gens apprécient le spectacle, et il y a un sentiment positif qu’on nous le communique. Les feedbacks sont puissants. J’ai vraiment l’impression que le public est heureux après le concert et, pour un artiste, il n’y a pas plus belle récompense." Alors, prêts pour le voyage intergalactique?

Le 7 août avec The Rapture
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ALBUMS DE DAFT PUNK

Homework (1997)
Très minimal et brut, Homework est l’album de la révélation. Une galette tout en contrastes, franchement décapante, empruntant autant à la scène de Chicago qu’au funk moite, à la house et à la techno. Avec les titres Around The World, Rollin’ & Scratchin’ et le célèbre Da Funk, le tandem mit le feu aux pistes de danse et ne prit pas de temps à se faire un nom à l’échelle internationale. La grosse basse bourdonne, les beats qui tuent sont nombreux. Malgré quelques rides, Homework s’écoute encore très bien aujourd’hui et demeure le classique absolu de Daft Punk.

Discovery (2001)
Avec des titres tels que Harder, Better, Faster, Stronger et le premier simple One More Time, Discovery mise sur la sophistication et embrasse l’eurodisco avec enthousiasme tout en abandonnant quelque peu l’aspect minimaliste de Homework. Empruntant largement aux années 80 et incluant des éléments R&B et des voix passées à la moulinette vocoder, l’album surprend moins, mais demeure tout aussi ludique avec sa production haut de gamme. Moins axé sur le plancher de danse et plus texturé que son prédécesseur, Discovery dénote une certaine maturité et demeure sans doute l’album le plus ambitieux du duo français.

Human After All (2005)
Plusieurs amateurs de Daft Punk furent étonnés, voire choqués, lors de la parution de Human After All. Confectionné en très peu de temps (six semaines pour être précis), le dernier album du duo marque un tournant important et déstabilise avec son aspect squelettique, cru et spontané. Certains considèrent l’album comme étant redondant et abrasif, mais on ne peut passer sous silence de véritables réussites tels que Robot Rock, Technologic ainsi que la pièce-titre.