Monk.e : Laisser sa trace
Musique

Monk.e : Laisser sa trace

Monk.e, graffiteur et rappeur originaire de Drummondville, est le porte-parole du deuxième Festival urbain de Trois-Rivières. Entretien avec un artiste engagé.

Des fauves dans la lumière incandescente de la savane, des témoins de la guerre, des femmes fatales dont la beauté et la douceur des traits rappellent les icônes religieuses d’Amérique latine… Par leur réalisme et la profondeur de leur message, les graffitis de David Yergeau, mieux connu sous le nom de Monk.e, étonnent. Au même titre qu’un tableau de Marie-Josée Roy ou de Guillaume Massicotte, ils se révèlent de véritables oeuvres d’art. Leur seule différence: ils ont été réalisés à la bombe.

"J’ai grandi à Drummondville dans une famille qui n’était pas aisée. Mon père était journalier et ma mère ne travaillait pas. Mes parents étaient aussi très croyants; ils n’aimaient pas les G.I. Joe et les autres gadgets-artifices pour enfants. J’ai donc grandi avec du papier, des crayons, des dés et des dominos. Rapidement, j’ai dû me créer mes propres passe-temps. Je dessinais, j’écrivais – j’avais un journal de bord -, je faisais un peu de poésie. À l’adolescence, j’ai commencé à trouver ça trop conventionnel; tout le monde écrivait et disait qu’il aimait le dessin. Je suis un peu marginal et rebelle; je n’aime pas quand tout le monde peut s’identifier aux mêmes choses que moi. Puis, j’ai découvert le hip-hop. Du coup, je trouvais un seul mouvement, un seul phénomène dans lequel je pouvais exprimer deux de mes passions. En plus, je tombais en marge. À Drummondville, personne ne faisait du hip-hop; tout le monde était alors dans le punk-rock!" raconte l’artiste à propos de ses débuts.

Longtemps, les conflits internationaux ont nourri son oeuvre. "Je mettais "cause" et "conséquence" ensemble. Par exemple, je dessinais des enfants afghans en train de fouiller dans les poubelles avec des tanks américains à leurs côtés ou des patrouilles antiémeutes haïtiennes pendant que des Vietnamiens étaient en train de se sauver d’une attaque", explique le graffiteur. Ses voyages l’amènent cependant à aborder ses sujets de manière différente, à adoucir ses dessins. "Je prends beaucoup exemple sur le reggae, qui arrive à dépeindre des réalités assez crues et dures, mais toujours d’une façon joyeuse, dansante et lumineuse. Le graffiti est un phénomène assez moderne. J’y mélange plein de trucs qui ont traversé des siècles de connaissance humaine. J’essaie de mixer des connaissances ancestrales à travers mes peintures", commente celui qui s’intéresse aux icônes et aux symboles historiques. Nous sommes loin d’un simple tag sur un train… "Pas tant que ça, s’exclame le jeune homme. Ça dépend du niveau de compréhension qu’on en a. J’en fais aussi. Le graffiti, c’est un truc qui ne date pas d’hier. Ça exprime un besoin d’exister, de laisser une marque. C’est un retour à l’art populaire en fait; c’est même prendre en otage l’oeil du public. Bien que tout le monde ne sache pas pourquoi il le fait, à la base, le phénomène de se trouver un surnom et de taguer sur les murs a une profondeur incroyable."

FRANCHEMENT URBAIN

Porte-parole du deuxième Festival urbain, Monk.e dévoilera également ses talents de rappeur. S’il fait aussi carrière en solo, il chantera à Trois-Rivières avec Amérythmes, groupe trilingue formé lors d’un spectacle australien coordonné par le Cirque du Soleil en 2004. "On est rendus des frères et des soeurs", dit-il en parlant de leur complicité. Une collaboration inspirante, donc? "C’est difficile d’être un artiste sans avoir l’ouverture d’esprit qui l’accompagne. Je vois beaucoup de gens dans le milieu du rap qui sont vraiment ancrés dans les clichés américains et, même, dans leurs propres clichés. Après, ils se plaignent que le hip-hop ne marche pas au Québec. Je suis désolé, mais le hip-hop marche très bien pour moi au Québec! Il faut juste être capable de s’ouvrir aux gens, être multidisciplinaire", commente celui qui, en plus de prévoir la sortie d’un deuxième album solo à l’automne, bosse sur projet de livre à colorier pour enfants, un DVD et un recueil de ses best of.

Le 24 août à 20h30 (Avec Amérythmes)
Au Festival urbain
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LE FESTIVAL URBAIN

Après l’expérience d’un week-end test et d’une édition officielle, le Festival urbain prend son envol du 24 au 26 août au Parc portuaire de Trois-Rivières. Plus qu’un simple événement hip-hop, il fait la promotion de la culture urbaine sous toutes ses formes. "Même à Montréal, il n’y a pas d’événement aussi complet", clame son coordonnateur, Dany Carpentier. "Tu arrives au festival et tu as une oeuvre collective faite d’objets recyclés. À côté, tu as des kiosques d’Équiterre, de Sidaction et d’artisanat plus urbain; des ateliers de danse; du ballon chasseur; le Mélospot et la scène avec la grande murale de grafs. Des événements avec tout ça rassemblé, il n’y en a nulle part au Québec." À ces activités se greffent aussi un tournoi de basket-ball et de soccer, des débats publics et des iPod battles. "C’est facile de vendre ses fesses là-dedans, commente l’organisateur. On pourrait appeler de grosses multinationales qui injecteraient de l’argent dans le festival, mais on essaye de lui garder une âme. Avec nos commanditaires, on réussit à avoir une lignée qui est positive pour les jeunes. C’est la même chose pour la musique." Val Salva, Sagacité, Amérythmes, Sir Jay-bee et Marokia, Ale Dee, Accrophone et Manu Militari sont par ailleurs quelques-uns des artistes qui seront de la fête. Info: www.festivalurbain.com.