Gotan Project : Né de tango inconnu…
De retour à Montréal dans le cadre d’Osheaga, le Gotan Project promet de faire danser les festivaliers avec son amalgame de tango, de dub et de house.
Autant le nuevo tango d’Astor Piazzolla a pu choquer les puristes de son époque par ses emprunts au classique, au jazz et à la pop, autant le tango-fusion lancé au tournant du 21e siècle par le Gotan Project aurait pu lui valoir l’anathème. Pourtant, le succès international du groupe ne se dément pas, comme en témoigne l’accueil chaleureux fait à Lunático, son plus récent album. "La comparaison à Piazzolla flatte, certes, parce que sans lui il n’y aurait pas eu de Gotan Project, avoue le Français Philippe Cohen-Solal au nom de ses collègues, le Suisse Christoph Müller et l’Argentin Eduardo Makaroff. En même temps, notre démarche est opposée à la sienne: Piazzolla a voulu éloigner le tango de la piste de danse et lui donner un statut de musique sérieuse. Tout en conservant ce statut respectable, nous avons cherché à ramener le tango sur les pistes de danse, pas juste celles que fréquentent les aficionados mais aussi celles des clubs contemporains."
Né, comme le jazz, dans des bordels mal famés, le tango – aujourd’hui centenaire – a toujours revendiqué ses origines européennes. Mais, ainsi que ses historiens commencent à le reconnaître, cette musique puise aussi à des sources nègres. "S’il y a un message sur notre plus récent disque, c’est l’affirmation des racines africaines de cette musique, qui ont été longtemps niées, surtout en Argentine, enchaîne Cohen-Solal. Voilà pourquoi l’idée du purisme en tango est absolument impossible, puisque c’est une musique de métissage. Et notre projet, c’est juste une autre proposition de métissage pour la faire évoluer encore. Quand on aime vraiment une musique, on ne peut pas être puriste."
Ces nouvelles avenues de métissage que propose le Gotan Project prennent sur Lunático la forme des interventions de Juan Carlos Cáceres déclamant un texte de Makaroff sur les racines noires du tango (Notas), des rappeurs du collectif Koxmoz issu des banlieues de Buenos Aires (Mi Confessión) ou encore de Joey Burns et John Conventino, aventuriers de la formation Calexico (Amor Porteno). "Entre Calexico et nous, il y a vraiment osmose, insiste Cohen-Solal, qui se rappelle avoir approché Burns dès les débuts du Gotan Project. Il y a mariage parfait, en ce sens où l’on discerne toujours très bien dans nos collaborations l’identité des deux formations, la couleur de nos univers musicaux."
Mais à quoi sert une chanson si elle est désarmée? a-t-on envie de demander à Philippe Cohen-Solal en constatant l’absence sur Lunático des messages politiques explicites qui caractérisaient leur premier disque, La Revancha del Tango, où résonnaient les voix de Che Guevara et d’Evita Perón. "La musique peut être un baume pour le coeur des gens qui souffrent; on s’y accroche quand ça ne va pas. Mais on s’y accroche aussi quand ça va", ironise Cohen-Solal. Et à en juger par toutes ces lettres envoyées au groupe par des gens qui affirment faire l’amour au son de ses disques, on a l’impression que le Gotan Project pourrait être le parrain collectif de toute une génération de nouveau-nés.
Le 9 septembre dans le cadre du festival Osheaga
Au parc Jean-Drapeau
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www.osheaga.com
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