Loreena McKennitt : Le coeur nomade
Loreena McKennitt retrouve la scène et le public qui la chérit le plus, les Québécois, après un hiatus de quelques années dans sa remarquable carrière internationale.
Sur le triple DVD/CD de son spectacle à l’Alhambra de Grenade, la mégastar de la musique celtique n’aura pas à en convaincre longtemps. Oui, il existe une filiation entre les Arabes et les Celtes. Si bien que dans ce spectacle réconciliant deux hémisphères, l’oud et la lyre peuvent visiblement s’accorder à la harpe et à la cornemuse des peuples errants et mercenaires venus d’Irlande: "Historiquement la filiation n’est pas si directe, mais en termes de son, c’est une chose que j’ai voulu souligner… C’est une manière un peu impressionniste de présenter mes recherches", dit-elle depuis Stratford, Ontario.
Après la longue parenthèse dans laquelle elle avait délibérément placé une carrière florissante à la suite de la noyade accidentelle de l’amour de sa vie en 1998, Loreena McKennitt a repris intérêt au disque via l’histoire, les lectures et surtout les voyages. Cherchant, de la Mongolie à la Turquie, de nouvelles inspirations, ce qui ressort de ses rencontres avec des archéologues et de ses lectures savantes représente aussi pour elle, au-delà de la carte postale sonore, une quête de sens spirituelle: "Les mythes, l’histoire, les voyages servent à combler les trous du puzzle, à ancrer des idées de chanson et de musique dans une certaine authenticité, un peu comme le font les peintres. Il y a des odeurs, des couleurs, des saveurs bizarres. À travers ces thèmes universels, l’histoire des Celtes sert aussi de ligne directrice à mon propre apprentissage."
Oscillant entre la simplicité de quelques notes de harpe ou de piano égrenées comme un chapelet sur sa voix diaphane et des arrangements grandioses pour 12 musiciens, les concerts de la superbe rousse sont à cette image: moments introspectifs de recueillement, voyages intérieurs, errements autour du destin. "Je crois que nous sommes une partie d’un processus infini sur de nombreux niveaux. Les Celtes étaient des conteurs. Créatifs, passionnés, entêtés, incapables de former une nation, ils affichaient face à l’existence plus d’instinct que de raison."
McKennitt ne manque ni de l’un ni de l’autre lorsqu’elle fonde, en 1985 avec de petits riens, sa propre étiquette de disques: Quinland Road. Rapidement condamnée à gérer un succès remarquable (plus de deux millions de copies de The Visit en 1991) elle devra restructurer l’entreprise, s’internationaliser et gérer des tournées qui la mènent littéralement partout: "J’ai passé cinq ans à jouer seule avec ma harpe dans les librairies et les cafés… J’ai peu à peu fondé ma propre entreprise par défaut. Rétrospectivement, je constate que c’est une bonne chose, car l’industrie de la musique a tendance à transformer les artistes en commodités", dit-elle doucement.
Cette trajectoire qui lui permet de s’offrir des domiciles en Italie et en Irlande la sépare graduellement de la simplicité de ses débuts. Dans le monde très puriste de la musique traditionnelle, on lui en fera parfois reproche: "Je crois que certains ont plus de capacités que moi pour préserver intactes les racines. Moi, je suis partie prenante de la tradition vivante. Du pub à la salle de concert, pour cette musique née il y a 2500 ans, toutes les variables me semblent valides."
Le 15 septembre à 20h
À la Salle Southam du CNA
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