Adoptez un musicien: Jean Derome : Derome et du souffle
Afin de souligner la Journée internationale de la musique et à l’invitation du Conseil québécois de la musique, Voir a adopté, cette année, Jean Derome.
Multiinstrumentiste débridé, jazzman virtuose, compositeur actualiste et champion de l’impro sans filet, Jean Derome respire la musique, et pas seulement à travers ses flûtes et saxos. Il est étonnant, lorsqu’on connaît un peu son travail, d’apprendre qu’il est le fruit d’une vocation tardive. Ce n’est que vers 14 ans qu’il commence à s’intéresser à la flûte à bec, mais la piqûre est aussi soudaine que puissante. "Ça a commencé tout d’un coup, et à partir de là, je jouais de la flûte à bec sans arrêt, à l’école, en regardant la télé, etc. Ça devenait insupportable à la maison, et je devais me réfugier au sous-sol…" Parallèlement, il démonte le vieux piano donné par un voisin, joue directement dans les cordes comme s’il s’agissait d’une harpe, et embrigade son frère et ses trois soeurs dans des expériences musicales qu’il enregistre sur un magnétophone Uher (à quatre vitesses). Il n’a pourtant pratiquement jamais eu de cours de musique. "J’ai eu un cours de musique en sixième année, au primaire; il était donné par un professeur d’histoire qui a réussi le prodige de donner son cours durant un an sans nous faire entendre une seule pièce de musique. Ça m’ennuyait encore plus que le catéchisme… Cette musique sur papier ne semblait s’attacher à aucune réalité acoustique."
De la flûte à bec, il passe à la traversière. "J’improvisais sans arrêt, mais je ne savais pas lire. Le professeur de musique de l’école a accepté, en secondaire 4, de me donner des cours de rattrapage, sur l’heure de dîner, pour que je puisse envisager de m’inscrire en flûte au cégep." Avant même d’y entrer, il jouait déjà dans le groupe du pianiste Pierre St-Jak. Il devra suivre des cours d’été pour parfaire ses connaissances théoriques. "Je passais mes journées à dévorer de l’information sur la musique, j’étais survolté!" Au bout de deux ans, soliste dans l’orchestre du cégep, c’est lui qui donnera ces cours aux nouveaux arrivants… Vient ensuite le conservatoire et, parallèlement, une double vie avec l’Ensemble de musique improvisée de Montréal et le groupe Nébu. "On nous décourageait au conservatoire de faire de la musique populaire parce que ça allait "briser notre technique"; ces années-là, j’ai participé à des centaines de concerts de jazz et de musique improvisée…" On le voit aussi bientôt au sein d’ensembles de musique ancienne. "J’ai éventuellement réalisé que Mozart n’avait peut-être pas besoin de moi, et que je devais plutôt m’occuper de ce qui pouvait se faire aujourd’hui." À 29 ans, Jean Derome adopte le saxophone, qui deviendra son instrument de prédilection.
En 1982, il fondait avec André Duchesne, René Lussier et Robert M. Lepage l’étiquette de disques Ambiances Magnétiques, dont le noyau de base grossira rapidement et qui deviendra l’incontournable porte-étendard de la musique actuelle à la québécoise. Le catalogue de Jean Derome compte aujourd’hui six enregistrements sous son propre nom, mais de nombreux autres avec son groupe Les Dangereux Zhoms, en duo (Les Granules, Nous perçons les oreilles) ou avec diverses formations, et on le retrouve aussi comme participant sur plus de 60 autres enregistrements avec une multitude de collaborateurs.
La série des Mercredimusics, organisée par Lori Freedman, Joane Hétu et Jean Derome, qui présente des concerts de musique improvisée, reprendra du 10 octobre au 12 décembre à la Casa Obscura. On entendra la musique de Jean Derome interprétée par 10 musiciens, en décembre, pour célébrer le 25e anniversaire des Productions Traquen’art, et on aura au même moment un nouveau disque des Dangereux Zhoms.
Les 3 et 4 octobre, en trio avec Normand Guilbeault et Pierre Tanguay
Au Upstairs Jazz Club
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À écouter si vous aimez /
Joane Hétu, Peter Brötzmann, Albert Ayler