Navet Confit : Alter ego conjugué
Navet Confit assume une indépendance hors normes et présente un exercice de style varié avec LP2². Une vision musicale dichotomique qui livre sans détour l’imaginaire singulier de Jean-Philippe Fréchette.
La surprise était de taille lorsqu’on a obtenu l’album de Navet Confit. Intitulée LP2², l’entreprise est volumineuse, avec 24 chansons réparties avec soin sur deux disques, un exercice boulimique dont l’écriture a débuté avant la parution de LP1 sur La Confiserie, une étiquette affiliée à GSI dont l’artiste assume la direction artistique. "J’ai essayé de faire une face A ensoleillée et une autre que l’on pourrait appeler "on ne sait pas trop ce qu’il va faire aujourd’hui", tente de résumer Jean-Philippe Fréchette avec un peu de recul. La deuxième face est peut-être plus difficile d’approche, ça va vraiment dans tous les sens. Faire le pacing a été un exercice assez difficile. J’avais déjà préparé des trucs quand j’avais des maquettes ou quand j’étais en préproduction et j’ai changé beaucoup de choses par la suite. Parce qu’en studio, les arrangements ont constamment évolué. Si une chanson prenait une autre direction musicale, je pouvais la changer de disque par la suite." Un exercice de style et d’écriture raffiné qui souligne l’attitude perfectionniste du multi-instrumentiste qui en était à ses premières armes dans un studio professionnel. "J’aime ça jouer avec les contradictions parce que ça donne un résultat qui n’est pas naturel et qui peut même déranger ou créer des malaises, explique-t-il. Il y a l’interprétation que les gens peuvent se faire aussi à travers et qui vient tout mélanger. Il y a plusieurs degrés. Par exemple, il y a plusieurs façons d’entendre le même mot, selon les contextes, même pour une seule chanson. Il y a des détails qui sont cachés et que tu vas entendre avec des écouteurs mais que tu n’entendras pas dans ton auto. Et vice versa. On a beaucoup travaillé là-dessus. Pour que les gens ne s’emmerdent pas s’ils réécoutent le disque."
Avec tous ces détails pointilleux en tête, on peut vite comprendre que cet exercice aurait pu durer des siècles. En studio, le Navet Confit a fait preuve de rigueur pour s’imposer un agenda réaliste et mener à terme cette expérience, même si ce cadre de travail semble le combler à tous les niveaux. "Je n’ai pas eu le choix de m’adapter et d’élaborer plusieurs choses parce que le contexte dans lequel je travaillais avant imposait un son beaucoup moins détaillé, concède-t-il. Quand tu arrives en studio avec un super bon micro dans une pièce traitée pour la voix et que tu te réécoutes, tu entends tout. Que ce soient des qualités ou des défauts, tu entends tout! Ça a été pas mal de job. Juste d’avoir de la salive dans la bouche, ça fait du bruit et c’est impossible de ne pas avoir de salive dans une bouche… Ça a été un travail d’humilité. J’ai su accepter mes défauts et arriver à les contourner. Il n’y a pas d’ordinateur qui est venu changer quoi que ce soit, c’était seulement une obsession. J’étais en train de virer fou avec ça!" Un souci pour la voix qui se remarque entre autres sur Un taxi pour Jami Gertz et sa collaboration avec Émilie Proulx sur Ambulances. "Disons que j’avais moins de difficulté avec les autres voix que la mienne pendant le mix. Ça me donnait un petit break."
Navet Confit
LP2²
La Confiserie/GSI
À écouter si vous aimez
Sonic Youth, Alexandre Champigny, Sparklehorse