Claude Dubois : Arrangements raisonnables
"Une année assez exceptionnelle." C’est le sobre bilan que Claude Dubois tire des réussites et changements coïncidant avec l’arrivée de la soixantaine.
Aminci, rajeuni, de bon matin Claude Dubois distribue savamment son temps entre la grosse troupe de journalistes venus dans la pénombre du Lion d’Or l’entendre parler de son prochain spectacle avec chorale et du très gros succès de son Duos Dubois qui a insolemment dominé les play-lists de l’été: "Je pariais sur 200 000 et on me prenait pour un fou! Vendre 250 000 disques en un été, dans un marché de voleurs de musique, c’est assez hallucinant!" dit-il d’emblée. Une réussite à propos de laquelle il a une théorie peu banale: "Je me suis aperçu que c’était une question de complicité! On a fait un recul politique gigantesque au Québec! Crisse, avec la montée de l’ADQ, on est redevenus des duplessistes! Face à ce désenchantement, beaucoup éprouvent une nécessité de reconnaissance nationale. Et ils l’ont un peu trouvée à travers ce disque qu’ils appuient. C’est de l’appartenance, ils se retrouvent là-dedans. Et ils le disent en refusant de me voler. C’est en tout cas le sens des témoignages que j’entends…"
Planifié depuis deux ans, et déjà présenté à Québec à guichets fermés en août dernier, le spectacle Dubois par Choeur, mettant en scène cinq musiciens et une chorale de 300 voix provenant de toutes les régions du Québec, a bénéficié du travail de reconstruction des classiques entrepris sur ses Duos: "Ils ont choisi les chansons, on impose des arrangements qu’on travaillait déjà pour les duos. On a copié les plus belles harmonies, les beaux moments. Ça permet de "dé-liturger" la chose… Je ne veux pas de grégorien dans mes chansons, estie! Et ça m’a fait hésiter au début. Maintenant le résultat est magnifique. Entendre une chanson "humaniste" comme Lettre à l’univers, rendue par 300 choristes, ca m’a secoué. C’est un véritable trip… et en même temps un rouleau compresseur… Je dis ça et j’ai rien à vendre, la famille de 250 choristes, ça remplit déjà la salle!" rigole-t-il.
Papa d’une petite fille depuis quelques jours, Dubois, ces temps-ci, s’en fait aussi avec sa propre existence qui va prendre "un "coup de jeune"". Une décision qui s’explique, selon les confidences de son complice Paul Dupont-Hébert par la difficile absence d’un fils né dans les années 70 qui a grandi de l’autre côté de la frontière, par l’envie de rattraper quelque chose à 60 ans.
Dubois voit venir la question de loin et glisse dessus: "Effectivement, ça peut changer la vie et transformer les priorités… Est-ce qu’il y a un âge pour se reproduire? C’est ça, la question. Je crois qu’il y a la force des choses. Est-ce qu’on doit un jour cesser de se reproduire? Encore faut-il le faire… Il y a beaucoup de gens jeunes qui n’y arrivent pas. Et il y a ceux qui ne veulent pas. Ceux qui se castrent délibérément en invoquant la laideur du monde. Ça les regarde… Moi, je crois que la liberté appartient encore à ceux qui la fabriquent."
À écouter si vous aimez /
Jean-Pierre Ferland, Robert Charlebois, Michel Rivard