Jamaica to Toronto : D'un Kingston à l'autre
Musique

Jamaica to Toronto : D’un Kingston à l’autre

De 1967 à 1974, l’immigration massive de Jamaïcains au Canada, particulièrement dans la région de Toronto, a donné naissance à une scène musicale incroyable. Kevin Howes, alias DJ Sipreano, a tout fait pour déterrer ces trésors oubliés.

Joint à son bureau de Toronto, Kevin Howes se montre affable pour commenter la naissance de la série Jamaica to Toronto: Soul Funk & Reggae. "Un jour, moi et mes amis Mr. Supreme et Deejay Sureshot sommes allés voir le label de Seattle Lights in the Attic avec un album obscur de Wayne McGhie & The Sounds of Joy, sûrement l’une des premières productions soul canadiennes, album qu’on avait trouvé en fouillant dans les bacs. Cela nous a bien pris quelques mois à le retracer, mais c’est à partir de là que nous avons pu reconstituer ce grand casse-tête canadien, et nous avons ensuite retrouvé les membres de groupes d’expatriés jamaïcains comme Jo-Jo & The Fugitives, The Sheiks, The Cougars et The Hitch-Hikers", relate le D.J.

À cette époque, le People’s National Party à tendance socialiste de Michael Manley avait pris le pouvoir sur l’île et plusieurs Jamaïcains désillusionnés par le climat politique débarquèrent à Toronto et firent ensuite venir leurs familles. Parmi ces exilés, on retrouvait beaucoup de musiciens.

Une fois établis au Canada, l’appel de la musique n’a pas été long à se faire sentir et la plupart des artistes jamaïcains ont repris du service en formant de nouveaux groupes. Ces formations faisaient de la tournée non-stop, autant en Ontario qu’au Québec, ce qui les amenait de Val-d’Or à Chicoutimi, en passant par le sacro-saint Esquire Showbar, rue Stanley, à Montréal. Musicalement, c’était une période d’expérimentation. Le reggae n’étant pas encore popularisé à l’extérieur de la Jamaïque, ces musiciens se recyclèrent dans le R&B et le funk si prisés à l’époque, alors que régnait le son Volt/Stax/Motown. Le meilleur exemple de cela serait la version d’I Wish It Would Rain des Cougars: le chanteur Jay Douglas la rend de façon aussi soul que les Temptations, mais sur une rythmique nyabinghi! D’autre part, Lights in the Attic réussit à déterrer le classique Wishbone de Jackie Mitoo (étiquette Summus), qui avait produit un top 10 pop canadien ainsi que Memories, le premier album de Noel Ellis, fils d’Alton. "Il me semblait primordial de numériser cette musique, qui était déjà en train de disparaître depuis plusieurs années", insiste Kevin Howes.

Depuis peu, ce projet qui fait saliver les musicologues aguerris s’est transposé sur scène et a déjà conquis Vancouver et Calgary l’été dernier. Prochain arrêt: Montréal, au Club Lambi, pour un show que plusieurs voient déjà comme un des incontournables du festival Pop Montréal. "Sur scène, on aura Earle Heedram, mieux connu sous le nom de The Mighty Pope, chanteur des Sheiks et des Hitch-Hickers, Jay Douglas des Cougars – lui n’a jamais quitté l’industrie pendant tout ce temps – et le vétéran batteur Everton Pablo Paul, et j’y serai aussi évidemment, pour rencontrer les fans autour de la table de produits dérivés", annonce Sipreano, à qui l’on doit une fière chandelle d’avoir fait autant de "lumière dans le grenier"…

Le 5 octobre
Au Club Lambi à 23h
Voir calendrier World/Reggae

À écouter si vous aimez /
Le vieux R&B, le vieux soul/funk, le vieux reggae/rocksteady