Ron Sexsmith : La mort, le lapin et le magicien
Musique

Ron Sexsmith : La mort, le lapin et le magicien

Personnage discret et intemporel, Ron Sexsmith fait des chansons magiques qui, comme lui, semblent exister dans un univers parallèle et doux.

Décalé? L’idée lui plaît et déclenche le rire: "Oui. Je n’ai pas de cellulaire, pas de iPod. J’aimerais bien ne pas avoir d’ordinateur, je ne sais pas conduire. J’aime jouer du piano, boire du café… marcher. J’écris en marchant! J’ai toujours senti que ma musique était désynchronisée par rapport au monde extérieur. J’essaie de faire des choix et d’écrire les choses que j’aimerais entendre moi-même. Pas le choix…"

Depuis Los Angeles, Ron Sexsmith parle abondamment de Time Being, 10e album qu’il défend actuellement aux USA, dans une tournée qui ne finit jamais. Un disque magnifique, fascinant et étrange, qui s’est construit sur deux concepts apparemment antagonistes: "J’avais commencé par faire des espèces de contes de fées irréels et légers, de petites histoires naturistes. Entre-temps, deux amis sont décédés; ça m’a poussé à parler d’amour, du temps qui passe et de mortalité."

Un album pourtant étonnamment moins mélancolique que les précédents, affichant une douce sérénité: "On a dit que j’écrivais des chansons tristes. Ce n’est pas nécessairement dans ma nature. Il faut savoir que durant plusieurs années je quittais lentement une relation affective importante… Maintenant, je crois être devenu plus serein."

Comme si Alice au pays des merveilles rencontrait The Walrus, ce mélange de surréalisme et de nostalgie fout carrément le frisson lorsque des chansons comme The Grim Trucker ou All in Good Time évoquent les mystérieuses splendeurs des Beatles au temps de Strawberry Fields, In My Life ou A Day in the Life. D’autant que le falsetto de Sexsmith rappelle souvent Paul McCartney. "Oui, c’est flagrant dans le son, les arrangements et les thèmes: l’influence des saisons, le karma, l’avarice, les anecdotes… Je viens de cette époque. En plus je crois que le corps est comme un instrument. Et Paul et moi avons la même sorte de visage. Si j’avais un grand nez, j’imagine (sic!) que je chanterais comme Lennon", rigole-t-il.

Malgré sa propension à évoquer l’univers nostalgique de l’enfance, Sexsmith s’étonne un peu qu’on lui accole encore l’étiquette d’éternel adolescent: "Je suis toujours demeuré connecté sur ma jeunesse. L’influence de l’enfance sur l’adulte m’intéresse immensément, mais le temps a passé. J’ai 43 ans, deux enfants! Les gens ne se rendent pas compte que j’ai fait mon premier album à 32 ans. Il en a fallu du temps avant qu’une compagnie de disques s’intéresse a moi!"

Sexsmith ne tient pas pour autant rigueur à l’industrie. Au moment où beaucoup d’artistes fuient les modes de diffusion traditionnels et envisagent la gratuité de la musique, vis-à-vis du piratage, il reste fidèle au système qui l’a fait connaître: "On paie pour le cinéma, pour les oeuvres d’art… Les artistes peuvent bien donner s’ils le veulent; pour certains, c’est une bonne manière de se faire entendre. Mais de là à voler la musique… C’est long, ça coûte cher, faire un disque!"

Quant à la scène, là aussi, univers parallèle: "J’essaie d’être dans l’instant, d’interagir avec le public, dit-il. Mais c’est étrange et inexplicable… Parfois l’esprit s’égare, j’essaie de disparaître dans la musique, de m’effacer, de passer de l’autre côté…"

Le 6 octobre à 20h avec Wood Pigeon et Peter Elkas
À la Fédération ukrainienne
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