Socalled : Diaporap
Musique

Socalled : Diaporap

Socalled est de passage pour une première fois à Québec et s’impose d’emblée comme l’événement incontournable de la deuxième édition du festival Antenne-A.

Il se nomme Josh Dolgin et s’affiche sous le nom d’artiste Socalled. Avec sa physionomie particulière et ses airs excentriques, son apparence nous fait croire à un jeune Einstein en extase à peine sorti d’un laboratoire avec une découverte exceptionnelle qu’il doit partager. Avec Ghettoblaster, paru sous étiquette Label Bleu, il communique le fruit de ses recherches avec candeur. Un projet dont le but avoué est d’achever une expérience unique: celle d’intégrer le klezmer au hip-hop, le tout à travers un amalgame de citations qui contrastent entre elles. "Tu crois vraiment que cet album s’est fait remarquer?" s’interroge l’artiste depuis son appartement rue Saint-Viateur à Montréal. "Eh bien, merci! Je ne suis pas surpris de la réception à cet album puisque je n’en avais aucune idée préconçue. Le but, c’était de faire en sorte que tout puisse se mettre en place et que ça fonctionne… J’ai quand même le sentiment que c’est la meilleure chose que j’aie pu réaliser jusqu’à maintenant."

Presque sorti de nulle part, d’un anonymat qu’il semble chérir avec un alter ego qui s’identifie à l’aide d’un pseudonyme interrogateur, l’artiste D.J. éprouve encore du mal à se considérer comme un musicien, lui qui, pourtant, collabore avec le clarinettiste David Krakauer et qui, de surcroît, peut réserver les services du tromboniste Fred Wesley et du rappeur new-yorkais C-Ray Walz. La fébrilité intellectuelle qui l’anime et qui nourrit sa nature hyperactive n’a pas encore trouvé le temps de s’attarder sur ce genre de détails. "Pour moi, la musique, c’est un accident, admet-il. J’aime tellement de choses différentes, comme, par exemple, faire des films. C’est ce que je serais censé faire, mais je n’ai pas le temps. J’aborde la musique comme un dilettante. J’en écoute beaucoup, j’apprends et je grandis à travers tout ça. Tout a commencé par le funk, qui m’a ensuite amené au hip-hop, surtout ce qui s’est produit dans les années 90. Je suis comme ça, je collecte. Je suis un collectionneur! J’aime collectionner les vieux disques vinyle et me les approprier." L’exercice paraît simple avec ce disque. Tout se fond, d’une pièce à l’autre, à travers des éléments funk, soul et de musique traditionnelle, sans jurer. Un travail méthodique qui aurait pu être laborieux, vu son caractère spécialisé. "L’idée est assez simple, résume-t-il. Je me suis amusé à échantillonner de la musique hip-hop avec des vieux enregistrements de klezmer datant des années 40 et 50. Un peu par hasard, seulement par curiosité. Par la suite, j’ai eu l’impression que je trouvais ma propre voix, quelque chose d’original. Un peu de rap et de funk à l’intérieur de tout ça et voilà! On fait le tour du cercle."

On aurait tort de croire à un simple retour aux sources motivé par une soudaine pulsion de recherche identitaire. Pour Socalled, c’est avant tout la musique qui est au coeur de ce projet et elle juxtapose à un filon une signature actuelle. "Je n’ai pas été élevé, à proprement parler, dans cette culture. Je ne suis pas un pratiquant de quoi que ce soit, et surtout pas quelqu’un de religieux", tente-t-il d’exposer en s’exclamant, pour s’interrompre un court instant, question d’éliminer le caractère sérieux de la question. "J’aime les cultures, poursuit-il. Je m’interroge et j’y découvre des choses qui m’inspirent. Je déteste les religions. J’ai toujours eu cette impression qu’elles ne font que creuser des fossés infranchissables. Elles isolent les gens. Sur ce disque, il y a des éléments qui viennent d’Ukraine, de la Serbie, de New York et de mon quartier où je vis à Montréal. Le titre de cet album est inspiré de cette réflexion. Ouvrir les ghettos. C’est un coming out!"

Le scientifique a trouvé la formule pour rendre justice au klezmer et au groove qui l’habitent. En évoquant la culture gitane, qui fait partie intrinsèque de cette forme musicale multiculturelle aux racines diverses, le rappeur s’interroge sur la facture qui détermine sa production. "J’ai beaucoup de respect pour ce répertoire et pour la tradition qui l’accompagne. D’autre part, j’aime trop la musique pour me concentrer uniquement sur cette forme d’expression. L’échantillonnage, pour moi, c’était la solution idéale. C’est un exercice qui correspond à ce que j’avais imaginé et à ma personnalité de mélomane. En faisant ce mélange, j’ai un résultat entraînant et agréable mais qui n’est pas motivé par des impératifs commerciaux. Ce n’est pas de la musique populaire."

Le 5 octobre à 20 h
Au Cercle
Dans le cadre d’Antenne-A
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À écouter si vous aimez
Jamie Saft, David Krakauer, Abraham Inc.