The Acorn : Le fruit d'un chêne
Musique

The Acorn : Le fruit d’un chêne

Sur Glory Hope Mountain, The Acorn dévoile ses origines sans subterfuge ni facilité. Rencontre avec son noyau dur.

"Le Gland" s’est formé en 2003 lorsque Rolf Klausener a demandé à quelques musiciens de l’aider à extirper certains sons de sa tête. Le groupe sort The Pink Ghosts en 2004, album inspiré des marches solitaires de Rolf dans les collines outaouaises. Deux maxis plus tard (Blankets, 2005 et Tin Fist, 2006), le groupe est devenu l’une des coqueluches de la blogosphère indie rock et signe avec l’étiquette torontoise Paper Bag Records pour affronter le marché international. Mais d’où lui est venue cette idée de parer d’un tel sobriquet le fruit de tous ses efforts? "Le blason de ma famille a trois glands. À l’origine, je nommais mes projets Drei Eicheln Musik, mais c’était trop dur à prononcer pour les Nord-Américains, alors j’ai changé pour The Acorn", révèle le chanteur.

Bien en phase avec son époque, The Acorn jouit de nombreux contacts avec les scènes montréalaise et torontoise. Les rapprochements ne gênent cependant pas Howie Tsui, guitariste: "On prend les comparaisons comme des compliments, on se dit "ah, c’est cool" ou "ah, ils sont fous, on n’est pas si bons!"" Chose certaine, les potins et autres histoires montées en épingle n’intéressent pas le groupe qui se défend d’ailleurs bien de représenter un quelconque "Ottawa sound": "Comment décrire le son d’une ville? Ça n’a aucun sens. Est-ce que Montréal sonne comme le métro? Est-ce qu’Ottawa sonne comme des fonctionnaires qui marchent au bureau tous les jours?" s’interroge Rolf.

GLOIRE, ESPOIR, MONTAGNE

Le dernier album raconte la vie de Gloria Esperanza Montoya, la mère du chanteur, et représente un effort véritable de dépassement des limites du rock juvénile et égocentrique: "Je voulais savoir, même s’il y a eu des moments extrêmement difficiles dans sa vie. Je trouvais ça beaucoup plus intéressant à explorer que ma dernière rupture amoureuse." Pour ce faire, Rolf a fouillé les archives familiales, interviewé sa mère pendant huit heures, sillonné la bibliothèque de l’Université Carleton à la recherche de la culture, de la musique et de l’histoire honduriennes: "J’ai fait de la recherche sur les peuples d’Amérique centrale, sur leurs traditions. J’ai étudié les peuples garifuna, mosquito, kuna, maya. On cherchait à sortir du moule deux guitares-basse-percussions." Ce travail de documentation se fait aussi sentir dans la section rythmique: "On a fait la recherche ethno-musicale de base pour comprendre la structure rythmique. Mais on n’a rien tenté d’imiter, ça n’aurait pas fonctionné. Notre but était d’abord de se laisser inspirer", de préciser le bassiste Jeff Debutte.

Gloria Esperanza Montoya a fui un père contrôlant à l’âge de 10 ans, s’est enfuie au Nicaragua, puis à Montréal où elle a dû se débrouiller seule, en espagnol. C’est la jeunesse de cette femme qui nous est racontée. "C’est logique pour Rolf d’arrêter l’histoire de sa mère à 30 ans, puisque c’est une exploration de la vie de sa mère avant qu’il ne la connaisse. Et comme il a 31 ans aujourd’hui, c’est une distinction logique", affirme le bassiste. Et Howie le rigolo d’ajouter: "Si ça avait été une regular white lady, on ne l’aurait sûrement pas fait!" N’empêche qu’exotisme ou pas, il est bien difficile de rester indifférent devant cette histoire à la fois épique et très humaine. La berceuse finale, interprétée par Casey Mecija de la formation Ohbijou, coiffe cette histoire d’une douceur toute féminine: "Quelques jours avant qu’on doive remettre l’album mixé et masterisé, nous n’avions toujours pas réussi à nous entendre avec Casey. On était vraiment déprimés parce qu’on voulait absolument sa voix; on savait que ce serait idéal pour cette chanson. Le dernier jour, les enregistrements sont arrivés par courriel à 2h du matin de Calgary où elle jouait ce soir là et c’était parfait", relate avec soulagement le chanteur. L’ensemble est harmonieux, réfléchi, et reflète avec brio l’importance accordée aux détails par le groupe, complété par Keiko Devaux, T.Jeffrey Malecki et Shaun Weadick.

L’unité symbolique du disque s’étend jusqu’à son apparence physique, la facture visuelle de l’album ayant été créée par Rolf et Howie à partir d’une série d’oeuvres d’Amy Thompson inspirée des photos de Gloria. Ces images rappellent les montagnes enneigées d’un certain Pinkerton de Weezer, une analogie aussi imprévue que bienvenue puisque à la seule mention du titre, les "Glands" se sont esclaffés de bonheur. Cet album est le fruit d’un travail sérieux qui annonce la maturité d’une formation au potentiel avéré. Car si le fruit du chêne est aussi verdoyant, c’est bien parce qu’il croît dans l’un des bois les plus solides qui soient. ?

Glory Hope Mountain
The Acorn
(Paper Bag Records)

Le 13 octobre, avec Elliott Brood et Plants and Animals
Au Barrymore’s

À écouter si vous aimez / Ohbijou, Devendra Banhart, The Polyphonic Spree