Daniel Boucher : La cassure
Musique

Daniel Boucher : La cassure

Daniel Boucher pense à prendre le temps de travailler sur un nouvel album. Tranquillement pas vite. En attendant, il réitère le plaisir de performer comme un vrai chansonnier.

Officiellement retranché pour l’écriture, Daniel Boucher avoue être un peu décontenancé. Il y a longtemps qu’il n’a pas écrit, trop longtemps. Sa vie a complètement changé depuis. "La dernière fois que j’ai composé un disque, j’avais pas d’enfant. C’est une autre affaire, là! Mon quotidien a changé." L’entrevue téléphonique, intrusion dans le havre de paix gaspésien du chanteur, est entrecoupée de touchants tableaux familiaux. Le petit Émile, peut-être sur les genoux du chanteur, a droit à toute l’attention de son père. Anecdotique? Pas tant que ça. C’est là que réside le plus grand défi de Boucher. Déboulonner la routine. Casser l’ordinaire.

Même ainsi reclus dans ce qui devrait être un endroit propice à la création, pas toujours facile de se délester du fardeau de la routine (en particulier quand même un journaliste réussit à pénétrer le fort): "Théoriquement, faut que j’écrive. J’ai commencé tranquillement… Tranquillement… Faut que je plonge dedans. Faut que j’ouvre le canal, que je ferme le reste. Faut que je tire sur la plogue. Mais j’ai confiance. J’vais ouvrir la trappe. Là, le lien est obstrué par mon quotidien. C’est aussi simple que ça…" Et ventre plein n’a pas de rage

Le fruit est pourtant mûr, et son public patiente. Même pour Boucher, pour qui la composition figure au palmarès de ces événements qui marquent une carrière, le désir ne manque pas: "Quand j’suis sur un stage, c’est sûr, j’trippe comme un malade. Mais quand je finis de composer une toune… quand j’ai trouvé le dernier mot, le dernier accord, le dernier rift, quand la toune se tient toute seule… Ça c’est dur à battre comme feeling." En attendant, au p’tit bonheur il fait son chemin, voyageant son Chansonnier depuis environ deux ans…

Intime, le Chansonnier? Si la formule acoustique du chanteur solitaire convient sans problème aux petites salles, ça ne l’empêche pas de prendre toute la place, même sur une scène immense. En sont témoins les milliers de personnes qui ont profité de la performance de Boucher à la clôture des dernières FrancoFolies de Montréal. Mémorable, à ce qu’il paraît. "L’important, c’est de vivre la toune au présent. Quand tu l’écris, tu lui donnes une forme officielle. Une forme correcte. Mais à un moment donné, tu l’as tellement dans la peau que tu te mets à "chirer". Ça s’fait naturellement."

Son Chansonnier, Daniel Boucher l’a même trimbalé en France d’où il revient à peine. Une expérience plutôt discrète qui a consolidé en lui l’envie de rester plus que jamais authentique. En particulier pour ce qui a trait à son verbe, qu’il aime particulièrement libre: "Il y a une affaire dont je suis sûr maintenant, et je ne l’étais pas en 2001 quand je suis allé [en France] la première fois: mon langage, c’est pas un handicap, c’est un avantage. Ça donne un côté exotique à l’affaire. Je sais qu’on peut toucher du monde. Même au Québec, y en a qui comprennent pas tout. Pis c’est pas grave. L’important, ça va être de monter une bonne équipe, pis de travailler. Y a pas de secret. Il faut travailler."

À quelques reprises dans les médias, le chef de l’Orchestre métropolitain du Grand Montréal, Yannick Nézet-Séguin, a mentionné Daniel Boucher comme l’un des artistes avec lesquels il aimerait un jour travailler, un peu dans la même formule que celle qui a permis récemment d’entrelacer son travail à la folie créatrice de Pierre Lapointe. Boucher semble franchement emballé devant l’idée d’un tel projet. "J’aimerais ça, c’est sûr. À un moment donné, ça va probablement arriver. Mais il faudrait qu’on compose de quoi, tous les deux ensemble. Ça, ce serait trippant."

Toutefois, d’ici à ce que Nézet-Séguin pense même à se ressourcer au refuge de Boucher pour une séance de création collective, le chanteur garde la tête froide et les idées claires: "Là, je vais sortir un autre disque. J’ai hâte. Hâte d’arriver avec des nouvelles tounes, d’être content de les sortir." Il suffit de casser le quotidien.

Les 17 et 18 octobre
À l’Opéra – cabaret urbain
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