Patrick Watson : La société Watson
Patrick Watson est sur le "show mode". À peine revenu d’Europe, il multiplie déjà les spectacles tout en partageant avec son groupe une synergie qui l’amène à se renouveler sans cesse.
À table avec Patrick Watson, où viennent nous rejoindre le bassiste Mishka Stein et le batteur Robbie Kuster (le guitariste Simon Angell arrivera plus tard), la conversation se dirige rapidement sur la parution du dernier album de Cinematic Orchestra, Ma fleur, auquel le chanteur participe. "Je n’ai pas travaillé beaucoup sur le son, précise-t-il. Jason Swinscoe est venu chez moi et nous avons écrit To Build a Home ensemble, piano et voix seulement. J’ai fait d’autres musiques aussi, mais le son, c’est son travail. J’ai des goûts assez particuliers… Je ferais sans doute les choses autrement. Mes goûts sont plus éclectiques que ça."
Depuis la sortie de Close to Paradise l’année dernière, les opportunités s’additionnent pour le quatuor de Montréal et les tournées européennes s’accumulent. Avec cette récente victoire au gala des Prix Polaris à Toronto en septembre, le rythme s’accélère et amène le leader du groupe à multiplier les collaborations. Mais la troupe reste soudée et la complicité est omniprésente. "J’ai failli choisir The Patrick Watson’s Dramatic Society comme nom de groupe, rigole-t-il. Peut-être pour le prochain disque?" Une formule ironique, tout indiquée pour taire un questionnement qui persiste dans certains médias. "C’est un groupe parce que le son de Patrick est fusionné avec le nôtre, indique Robbie Kuster. Sans Pat, ce groupe n’existerait pas. Et sans nous, ce serait tout simplement un projet solo. Il y a eu beaucoup de confusion au départ avec les médias, qui se sont cassé la tête là-dessus. C’est si simple."
THE DRAMATIC SOCIETY
C’est en 2004 que tout s’est mis en place pour la troupe de musiciens, grâce à un concours de circonstances qui les a amenés à New York avec une bourse du Cirque du Soleil en poche. "On était dans un loft qui appartenait à des artistes polonais, se rappelle le pianiste-chanteur. Pendant un mois, on était ensemble à travailler environ six heures par jour et… getting crazy le reste du temps!" Une situation qui a permis d’asseoir les fondations d’un album qui a fait l’unanimité lors de sa parution. "On n’est pas un groupe qui pratique de manière intense, explique Mishka Stein. On peut se rencontrer une fois par mois, maximum. Avoir un loft dans une ville comme New York, c’était une circonstance parfaite pour travailler de manière continue. Il y a beaucoup de choses qui se sont précisées pour Close to Paradise. On allait voir beaucoup de shows, surtout du jazz, et ça nous a inspirés pour la suite. Des chansons comme Sleeping Beauty et Mr. Tom [en hommage à un artiste de Chicago qui a partagé le loft pendant un certain temps et avec qui ils se sont liés d’amitié] ont été écrites là-bas."
L’expérience new-yorkaise fut enrichissante et c’est sur cette scène que s’est bâtie une dimension fondamentale aux yeux du chanteur. "Quand tu joues live, ce qui importe, c’est la chimie sur scène. C’est ce qui est le plus important pour nous. C’est une énergie qui devient contagieuse pour ceux qui écoutent le show. Dès qu’un groupe a déterminé des sections musicales précises, il peut faire renaître une chimie particulière. Le groupe se soude instantanément. New York est une très bonne école pour apprendre la dynamique d’un spectacle. Dans cette ville, il faut que tu captes l’attention des gens, que tu connectes avec eux dès les premières mesures, c’est viscéral. C’est un autre niveau, le son y est différent à cause de cette dynamique."
UNE AUTRE DIMENSION
La touche sonore d’un album comme Close to Paradise se distingue aussi par son écriture, vaporeuse et presque spirituelle. Une facture singulière beaucoup moins complexe pour le chanteur mais non exempte de labeur. "L’écriture, c’est plus difficile pour moi. Je suis beaucoup plus à l’aise avec la composition, constate-t-il. Ça prend plus de temps. J’aimerais toujours avoir le mot juste et il faut que je trouve le moyen de m’y consacrer entièrement. Souvent, les idées me viennent des films que je regarde. Je ne vois pas l’écriture comme un exercice introspectif. Je n’ai jamais choisi un sujet en particulier et… OK! let’s say something about that! Je m’assois au piano pour que les gens soient avec moi, témoins de leurs propres pensées."
La passion pour le cinéma l’habite au point qu’il développe des dépendances. Après David Lynch, c’est au tour de l’univers rétro de Twilight Zone, la série culte produite par Rod Serling, que Watson se plaît à imiter. Une passion pour l’image qui l’amène à fusionner les genres. "J’adore le surréalisme. Je suis un grand consommateur d’images. Dernièrement, je me suis passionné pour le terme pulp fiction. Pour les surréalistes, ce terme trouve sa signification dans une histoire qui est tout à fait normale, à l’exception d’un élément surnaturel qui s’y intègre. Dans le film Pulp Fiction, par exemple, c’est la mallette. Et cette mallette, elle transporte une âme. Tout le monde est surpris chaque fois qu’elle s’ouvre: woooww! Un seul élément, totalement improbable, inclus dans une histoire normale. Je compte bien m’amuser avec ça dans mon travail."
Le 18 octobre à 20h
À la salle Jean-Despréz
À écouter si vous aimez / Jeff Buckley, Beirut, Philip Glass