Normand Guilbeault : Anges vagabonds
Le roman-culte de Jack Kerouac On the Road fête en 2007 le 50e anniversaire de sa publication. Conversation avec Normand Guilbeault autour de son projet Visions de Kerouac.
Entre 1840 et 1930, près d’un million de Canadiens français ont émigré aux États-Unis. Le sort des francophones hors Québec sera toujours lié à des impératifs géographiques, politiques et économiques. Normand Guilbeault s’est déjà montré sensible à la situation de ces derniers en produisant Riel, plaidoyer musical. Ce sont des disciples québécois de la beat generation regroupés autour de la revue Steak haché, Richard Gingras et François Pelletier, qui ont fait découvrir le grand écrivain à Guilbeault: "Kerouac a rejoint plusieurs cordes sensibles. J’ai découvert le poète et l’écrivain de jazz, mais aussi un personnage originaire de Saint-Pacôme-de-Kamouraska et encore très fier de ses racines." Guilbeault souligne à quel point Kerouac a souffert de l’aliénation linguistique. Il cite des passages importants d’une lettre à Yvonne LeMaître, critique du journal L’Étoile, de Lowell, Massachusetts: "Because I cannot write my native language and have a native home anymore (…) I’m am annoyed by that horrible homelessness all French-Canadians abroad have." Et plus loin: "La raison pour laquelle je manipule si bien les mots anglais réside dans le fait que ce n’est pas ma propre langue. Je l’ai remodelée pour l’adapter à des images françaises."
Jack Kerouac cherchera à s’affirmer comme un être profondément libre dans un contexte culturel particulièrement coercitif: la guerre 39-45, le maccarthysme, la guerre de Corée.
Bien avant sa rencontre avec Allen Ginsberg, il fait la connaissance de Thomas Wolfe, qui exercera une grande influence sur lui. Il commence à écrire de la fiction autobiographique. Puis, il écoute les boppers: "Il se reconnaît dans leur spontanéité." Dès les années 20, Langston Hugues récitait ses poèmes sur les rythmes du jazz. Il reprendra plus tard Weary Blues avec Charlie Mingus. Le be-bop apparaîtra comme le pouvoir du rythme d’échapper à la misère sociale. Un passage de On the Road à propos de George Shearing témoigne de la volonté de Kerouac de créer aussi un climat: "De temps à autre, un cri d’une harmonie limpide inspirait l’espoir neuf d’une mélodie qui serait un jour la suprême mélodie au monde et ravirait de joie les âmes des hommes."
Le spectacle proposé par Guilbeault présente un être déchiré par plusieurs contradictions, à la fois l’ange et la bête: "Visions de Kerouac présente en 15 tableaux les étapes de la vie de Kerouac évoquées dans une série de 14 ou 15 romans à caractère autobiographique regroupés sous le nom de La Légende de Duluoz: l’enfance et la mort de Gérard, l’amour pour Maggie Cassidy, la rencontre avec Ginsberg et Burroughs, la route avec Neal Cassady, la quête mystique à travers le bouddhisme, la quête de ses racines, tant en Bretagne qu’au Québec." Dans ce spectacle multidisciplinaire (musique, projections, entrevues, lettres), un narrateur (Nicolas Landré) et quatre musiciens (Jean Derome, Normand Guilbeault, Claude Lavergne et Sylvain Provost) font alterner lecture et musique.
Le 19 octobre à 20h
Au Grand Théâtre
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Mark Murphy, René Lussier