Daniel Bélanger : Réussir son Échec
Musique

Daniel Bélanger : Réussir son Échec

Avec son plus récent album, L’Échec du matériel, Daniel Bélanger dresse un constat sombre de l’état des choses. À quelques jours d’une longue tournée qui le mènera aux quatre coins de la province, l’homme fait le point.

Affable, généreux, calme, compréhensif et comique, voilà quelques mots qui décrivent bien comment est Daniel Bélanger en entrevue. Le populaire auteur-compositeur-interprète se prête au jeu des journalistes sans rechigner, avec le sourire; ça fait partie de la game, comme on dit. Mais si Daniel Bélanger n’a pas de raisons de rencontrer les médias (lire: un album ou une tournée à promouvoir), vous risquez de ne pas en entendre parler. C’est que, malgré son énorme popularité, l’homme demeure plutôt discret et n’est pas du genre à défrayer la chronique avec des frasques de toutes sortes. "Je tiens à mon intimité, mais pas tant que ça… La seule façon pour moi d’éviter de tomber dans les clichés rock’n’roll de fêtes et de défonce, c’est en me tenant à l’écart. Et ma vie personnelle ne ressemble pas à ma vie artistique. Y’en a dont la vie personnelle est aussi rock’n’roll que la vie artistique, mais pour moi, le mythe de l’artiste fou alcoolique, ça me fait mourir de rire, je trouve ça ridicule", lance le chanteur de 45 ans. "J’ai été chanceux d’avoir réussi à rejoindre autant de gens en demeurant assez effacé. Remarque, c’est peut-être aussi parce que je suis comme ça que je touche plein de monde. Y’en a qui me disent qu’ils apprécient le fait qu’on ne me voie pas partout. Je ne me vois pas aller faire des recettes de cuisine à la télé alors que je n’ai rien à présenter, je ne veux pas faire ça. Y’en a qui continuent à faire de la promo alors qu’ils n’ont rien à présenter; moi, j’évite ça."

Daniel Bélanger n’a rien d’une vedette et, pourtant, il aurait toutes les raisons de se la jouer. Avec plus de 700 000 albums vendus en quinze ans de "carrière", il a su garder les pieds sur terre… mais toujours la tête pleine de musique. "En dehors de la musique, je n’ai pas d’autres passions. La musique m’intéresse de plus en plus. La composition m’intéresse de plus en plus. Prends l’exemple d’Elvis Costello. Il fut un temps où je ne pouvais pas écouter un album au complet, il me tapait sur les nerfs à la longue. Maintenant, je réécoute mes disques de Costello – y’en a fait beaucoup et j’en ai acheté beaucoup – et je redécouvre ça, mais avec une oreille de compositeur, et là je le trouve hallucinant, Costello. Il m’arrive d’aller à New York juste pour aller voir des shows sur Broadway et voir comment fonctionne la mécanique d’un music hall. Donc, je ne suis pas en train de m’intéresser à autre chose; j’ai l’impression que je plonge encore plus dans la musique. En dehors de ça, je n’ai pas de grande passion autre que de lire un livre couché sous le soleil. J’aime voyager, mais, là encore, c’est avec un objectif musical. Tout me ramène finalement à la musique, et je ne m’en plains pas. Je me suis même dit que j’aimerais bien me rendre dans une ville sans objectifs musicaux, juste pour me promener et découvrir, ça changerait peut-être ma perspective!"

AVEC LE TEMPS

Entre Les insomniaques s’amusent et L’Échec du matériel, quinze années se sont écoulées, mais seulement six albums – dont un live – ont été conçus. Daniel Bélanger n’est peut-être pas l’artiste le plus prolifique, mais il sait se faire désirer! "J’ai de la difficulté à prendre du recul sur tout ça. J’ai même de la difficulté à croire que ça fait déjà quinze ans! J’avais jamais pensé que je ferais plus qu’un seul album! Lorsque tu es auteur-compositeur interprète et que tu as un album qui connaît un certain succès, ça te fait travailler deux ou trois ans autour du même projet: le processus de création, le studio, puis la promo et les tournées… C’est long! Et moi, je n’arrive pas à travailler quand je suis en tournée, se défend-il. Cela dit, j’ai toujours de l’inspiration, mais je n’ai pas toujours l’inspiration de faire un album. Je vais composer très souvent dans mon studio-maison; il reste que ce n’est qu’à partir du moment où j’ai une idée d’album que je me mets à composer pour un album. À ce moment-là, je cherche à avoir une cohérence, à avoir une famille d’instruments. Ce qui fait que L’Échec du matériel se rapproche d’un album-concept, puisque plusieurs chansons font des rappels à d’autres".

ASSUMER SON ÉCHEC

L’Échec du matériel… Le titre est assez fort, et révélateur aussi. Sur ce sixième effort, Daniel Bélanger aborde la spiritualité, la vacuité, l’apathie, la simplicité volontaire et l’écologie. C’est à se demander s’il ne nous livre pas ici, de façon très mélodique et poétique, un statement. À moins que ce ne soit un (triste) constat de la société dans laquelle on vit? "C’est un constat, mais j’ai tout fait pour ne pas sortir cet album sous ce titre-là, souligne le concepteur. Vraiment, j’ai essayé tous les titres. Encore peu de temps avant sa sortie, l’album devait s’intituler Sports et loisirs, ce qui aurait été plutôt ironique. Mais je trouvais ça un peu lourd, donc L’Échec du matériel comme titre me semblait inévitable, et comme j’ai souvent tendance à dire qu’il faut assumer les choses, eh bien, on l’a sorti avec ce nom et je l’assume! Si on parle de "spiritualité" sur ce disque, c’est que je remarque qu’elle est bien matérielle, la spiritualité, de nos jours. "Est-ce qu’on met un crucifix dans le Parlement?", "Est-ce qu’on peut aller voter vêtu comme ceci ou cela?", "Est-ce qu’on peut aller à l’école avec un kirpan?"… Quand on parle de spiritualité ces temps-ci, c’est d’un point de vue "matériel" et tout ça m’a inspiré pour quelques chansons."

Si Daniel Bélanger aime bien s’enfermer seul dans son studio, c’est surtout sur scène qu’il se sent vivre. Avec l’énorme tournée qui se profile, il compte bien renouer avec son public qui l’attend si patiemment. "Je suis bien plus à l’aise sur scène. T’entres en contact avec les gens, t’es pas enfermé dans le noir tout seul dans ton studio, complètement coupé du reste du monde. T’es vraiment dans ta bulle en studio. Les shows, c’est un peu comme du parascolaire: t’es allé à l’école et maintenant que t’as fait tes devoirs, là, tu peux aller jouer dehors et faire du sport avec tes chums."

Ses chums, c’est Dan Thouin aux claviers, Alain Berger à la batterie, Gilles Brisebois à la basse, Joe Grass à la guitare, Alain Quirion au vibraphone et Janice Thompson aux choeurs. "Ce sera une tournée qui ne se terminera jamais, rigole Daniel. J’ai des spectacles prévus jusqu’à mars 2009! Québec, Gatineau, Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi, Sorel, Shawinigan, Alma, Laval, Joliette, Drummondville, Magog, Amos, Rouyn-Noranda, Gaspé, Rimouski… name it, je vais jouer presque partout!

Les 8 et 9 novembre
Au Grand Théâtre

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CARNET DE ROUTE

Que pense Daniel Bélanger des blogues, de Myspace, du piratage et de l’avenir de l’industrie du disque, de la spiritualité, de l’écologie, de la politique, du bio et de plein d’autres affaires le fun? Quel est son album préféré? Son film favori? Aime-t-il les voyages? Daniel Bélanger a toutes les réponses à ces merveilleuses questions et davantage! Durant toute la tournée, à coups de petits extraits vidéo sporadiques, vous pourrez en savoir plus sur l’homme et l’artiste en vous connectant au www.voir.ca/danielbelanger. De plus, après chaque concert, Daniel Bélanger ajoutera quelques lignes; un billet d’humeur qui se transformera en carnet de route et que vous pourrez lire en exclusivité sur notre site! Il vous sera aussi possible d’écouter l’album et de consulter sa volumineuse fiche d’artiste. La totale!