Gatineau : La rencontre du troisième type
Musique

Gatineau : La rencontre du troisième type

Gatineau dévoile l’intégralité de sa palette sonore sur son premier album éponyme, réalisé sur l’étiquette C4.

Impossible de ranger Gatineau dans un seul créneau. Un exercice inutile qui dénaturerait les motivations qui sont présentes au sein de la formation montréalaise. Composé de Séba 273 (MC BrutaLLL), Capt Keük, DomHammeLLL et Bruce Macpherseünd, le groupe a fait parler de lui avec son premier EP, intitulé L’IntégraLLL. La sortie de son premier album éponyme confirme une trajectoire originale qui s’est émancipée d’un son garage. Les mots de Séba s’articulent dans une trame savamment construite qui fait la synthèse des affinités propres à chacun des membres.

Dès la première écoute, on est amené à comprendre ce qui caractérise cette démarche, exempte d’étiquette: un souci pour l’instrumentation qui se retrouve très rarement au sein des formations hip-hop. "C’est pas mal DomHameLLL, par sa façon de travailler, qui est capable d’adapter les sons à l’ensemble du groupe et à ma voix aussi, explique Séba, le MC de la formation. Il est capable de travailler à partir d’une matière sonore et de la compiler à sa manière. Par moments, on aime bien décrocher d’un beat seulement pour se donner le trip de sonner comme un band. Dans une pièce comme Pawnshop, on décroche en plein milieu de la toune, pis ça part avec des chorus qui font plus penser à Malajube qu’à un band hip-hop. On pourrait faire un album complètement dance ou encore entièrement punk ou rap, mais c’est ça qu’on aime."

Dans Le Rap maudit, la pièce qui ouvre l’album, le parolier du groupe prend le temps de s’interroger sur l’identité qu’il doit revêtir sur ce disque. "Quand tu utilises le joual, c’est perçu très souvent comme un geste politique, constate-t-il. Mais, le but premier, c’est de s’adresser aux gens. Quand tu écris, tu es tout le temps ben, ben proche de ta feuille. Tu te concentres sur la langue et sur les mots. À un certain moment, tu réalises que tu dois te décoller le nez de la feuille, que tu dois te lever pour regarder devant toi, pour savoir ce qui se passe."

Les idées coulent à flot pour le rappeur caméléon boulimique de théâtre, de cinéma et de littérature qui construit un texte comme on élabore un plan de cadrage pour un film, avec des gros plans et des perspectives. Qu’on y parle de cul (Pointe all dressed) ou bien des acteurs marginaux qui composent la vie active d’une ville (The Christ Is Right), son écriture se place dans un cadre esthétique réfléchi. Des réflexions qui l’amènent parfois sur des sentiers particuliers, comme cette passion pour Kundera. "Je me suis servi de son essai L’Art du roman. J’utilise des questions qu’il pose dans sa réflexion. Je commence de manière hardcore et le deuxième couplet parle de fétichisme. Je réfléchis sur le terme et tout ce que ça veut dire, comme dans un travail universitaire. Je reviens ensuite avec un couplet complètement trash. Le but, c’est de placer toutes ces dimensions dans le texte et de mettre en évidence le fétichisme. Une pratique qui fait disparaître la personne derrière l’objet."

Le 10 novembre à 21h30
Avec aRTIST oF tHE yEAR
Au Téléphone Rouge
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À écouter si vous aimez /
Atach Tatuq, Loco Locass, Misteur Valaire